Anomalie générique concernant le taux de colmatage élevé des générateurs de vapeur de certains réacteurs des centrales EDF
Note d'information
Les générateurs de vapeur de certains réacteurs des paliers 900 MWe et 1300 MWe des centrales nucléaires EDF présentent une anomalie pouvant avoir des conséquences pour la sûreté. Cette anomalie, classée au niveau 1 de l'échelle INES, a fait l'objet d'un avis d'incident publié sur le site Internet de l'ASN le 21 février 2007. La présente note détaille cette anomalie et présente les solutions envisagées par EDF pour y remédier.
1. Description du phénomène de colmatage concernant les générateurs de vapeur (GV) Le phénomène de colmatage concerne les plaques entretoises des GV de certains réacteurs d'EDF.
Un générateur de vapeur est un échangeur thermique entre l'eau du circuit primaire, portée à haute température (320°C) et pression élevée (155 bar) dans le coeur du réacteur, et l'eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Il comporte environ 3300 tubes en forme de U renversé, maintenus par des structures internes, parmi lesquelles les plaques entretoises.
Le colmatage consiste en une obturation progressive, par des dépôts d'oxydes, des passages aménagés entre les tubes et les plaques entretoises pour la circulation de l'eau.
2. Réacteurs nucléaires concernés Cette situation a été mise en évidence au cours des investigations menées à la suite d'un incident classé au niveau 1 de l'échelle INES (lire l'avis d'incident) survenu en février 2006 sur le réacteur Cruas 4 : une fissure est apparue sur un tube d'un générateur de vapeur et s'est développée en quelques mois, jusqu'à provoquer une fuite. EDF considère que l'un des facteurs prépondérants à l'origine de cette fissure est le colmatage des plaques entretoises supérieures du générateur de vapeur concerné.
A la demande de l'ASN, les contrôles conduits par EDF ont été étendus aux générateurs de vapeur des autres réacteurs de 900 MWe au fur et à mesure de leurs arrêts pour maintenance et rechargement en combustible. Des taux de colmatage importants ont été observés sur plusieurs réacteurs sans que cela n'ait été anticipé par EDF. Sur les plaques entretoises supérieures de certains d'entre eux, ce taux peut atteindre 80 % de la surface des espaces aménagés pour laisser passer l'eau. En outre, EDF estime que le colmatage progresse d'environ 5 % par an.
Le phénomène étant susceptible d'affecter certains réacteurs de 1300 MWe, l'ASN a demandé à EDF d'effectuer les contrôles appropriés. Dans un premier temps, EDF a mené des estimations du taux de colmatage fondées sur l'évolution de certains paramètres de fonctionnement. Par ailleurs, EDF devrait disposer dans les prochaines semaines de moyens d'investigations permettant d'évaluer plus précisément le taux de colmatage de ces réacteurs : les moyens précédemment utilisés sur les réacteurs de 900 MWe ne sont en effet pas directement utilisables sur les réacteurs de 1300 MWe en raison de certaines différences de conception des générateurs de vapeur.
A ce jour, parmi les centrales du palier 900 MWe, celles de Cruas et Chinon ont été identifiées par EDF comme présentant les taux de colmatage les plus élevés. Pour le palier 1300 MWE, le réacteur Saint-Alban 1 est le plus affecté.
Par ailleurs, EDF devra vérifier l'hypothèse selon laquelle certains réacteurs pourraient être plus sensibles à ce phénomène, du fait de conditions d'exploitation ou d'une conception particulières. En effet, le conditionnement chimique du circuit secondaire et la géométrie des plaques entretoises semblent être des facteurs prépondérants.
3. Connaissance du phénomène et conséquences pour la sûreté Le colmatage des GV a plusieurs conséquences pour la sûreté :
- il constitue probablement le paramètre déterminant entraînant l'apparition de vibrations excessives des tubes dans certaines zones des générateurs de vapeur, vibrations qui peuvent conduire au développement rapide de fissures, comme cela s'est produit à Cruas 4. EDF a ainsi bouché préventivement une zone de 58 tubes dans les générateurs de vapeur potentiellement concernés par le phénomène ;
- il peut induire des efforts mécaniques importants sur les structures internes des générateurs de vapeur, notamment dans certaines situations incidentelles ;
- il entraîne une diminution du taux de circulation de l'eau dans les générateurs de vapeur et donc, pour un même niveau d'eau mesuré, une réduction de la quantité d'eau disponible à l'intérieur du générateur de vapeur. Des phénomènes d'oscillations du niveau d'eau peuvent également apparaître dans les générateurs de vapeur dans certaines situations de fonctionnement si le taux de colmatage est élevé.
Pour EDF, sur la base de premières études, le colmatage des générateurs de vapeur des réacteurs de 900 MWe et 1300 MWe jusqu'aux niveaux observés permet un fonctionnement des réacteurs dans des conditions de sûreté acceptables.
L'ASN estime néanmoins qu'EDF doit approfondir ses études pour affiner l'évaluation des taux de colmatage et identifier plus précisément les conséquences de ce phénomène pour les réacteurs. Après avoir consulté l'IRSN sur les compléments d'analyse et d'action qu'il convenait de prévoir, l'ASN a repris l'ensemble de ses demandes dans un courrier, adressé à EDF le 22 juin 2007, demandant à l'exploitant de lui faire parvenir une première série de réponses courant juillet 2007 et de lui proposer dans le même délai un échéancier de transmission des autres réponses.
4. Mesures prises pour remédier au colmatage Pour les réacteurs présentant les taux de colmatage les plus élevés, l'ASN a demandé à EDF de proposer une solution permettant de réduire le niveau de colmatage. EDF a retenu un procédé de lessivage chimique des générateurs de vapeur. Il consiste à injecter dans la partie secondaire des générateurs de vapeur en phase d'arrêt une solution chimique à haute température, ce qui permet de dissoudre les dépôts d'oxydes.
Cette intervention, par ses aspects environnementaux (rejets d'ammoniac en particulier) et ses impacts potentiels sur les équipements (corrosion de certaines parties du générateur de vapeur) est soumise à l'examen de l'ASN avant chaque mise en oeuvre.
Elle a été réalisée en avril 2007 sur le réacteur Cruas 4 et s'est révélée efficace puisqu'elle a permis de réduire le niveau de colmatage à une valeur d'environ 15%. En revanche, le pilotage global de l'opération par EDF n'a pas été maîtrisé comme prévu. En particulier, la corrosion de certaines parties des générateurs de vapeur par la solution de lessivage a été supérieure à celle attendue et les résultats des contrôles réalisés sur les tubes des générateurs de vapeur ont soulevé des difficultés d'interprétation. Ces points ont conduit à des demandes de suivi particulier dans le cadre du redémarrage du réacteur. En outre, EDF a revu le pilotage de son procédé de lessivage dans la perspective d'une nouvelle mise en oeuvre à Cruas 1.
L'ASN a également demandé à EDF de proposer des solutions pour limiter l'apparition et le développement des dépôts d'oxydes. EDF envisage de modifier les conditions d'exploitation des réacteurs afin de limiter l'apparition du phénomène de colmatage.
5. Perspectives Suite aux demandes de l'ASN, EDF complète et affine ses études de l'impact du phénomène de colmatage sur la sûreté des réacteurs de 900 et 1300 MWe. Dans l'attente de la finalisation de ces analyses, l'ASN a demandé à EDF de proposer des dispositions d'exploitation adaptées au taux de colmatage des générateurs de vapeur.
EDF réalisera dans le courant de l'été des contrôles pour évaluer le taux de colmatage des générateurs de vapeur du réacteur Saint-Alban 1. Ces données permettront de mieux évaluer l'ampleur du phénomène de colmatage pour les réacteurs de 1300 MWe.
Les générateurs de vapeur de l'ensemble des réacteurs potentiellement affectés par le phénomène de colmatage seront contrôlés au cours des arrêts pour maintenance des réacteurs. Si l'état d'un réacteur ne permet pas une exploitation en toute sûreté, EDF devra remettre en conformité les générateurs de vapeur, en procédant par exemple à leur lessivage chimique, avant leur remise en service.
L'ASN évaluera, en lien avec l'IRSN, les justifications apportées par EDF sur la compréhension du phénomène de colmatage et sur la sûreté du fonctionnement de l'ensemble des réacteurs sur le long terme.
Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021