Les projets de PRM portés par une multiplicité de nouveaux acteurs mettent non seulement en œuvre des technologies de réacteurs très variées mais introduisent aussi de nouveaux usages de l’énergie nucléaire, telle que la production de chaleur industrielle.
Objectifs de sûreté
En visant en particulier le marché de la production de chaleur industrielle, le site d’implantation d’un PRM est imposé par la localisation du client à qui il va délivrer son énergie. Aussi, de nombreux projets de PRM ambitionnent de se déployer sur des sites industriels situés à proximité, voire au sein même de zones urbaines.
Une telle implantation près de zones de forte densité de population ou industrielles est envisagée par les porteurs de projet car ces PRM sont susceptibles de pouvoir atteindre des niveaux de sûreté significativement supérieurs à ceux des gros réacteurs électrogènes actuels. En effet, sur ces PRM, la plus faible puissance à évacuer en cas d’accident permettrait de combiner des systèmes de sûreté passifs et actifs, apportant une meilleure diversification des dispositions de sûreté, des délais de grâce allongés et une meilleure protection des barrières de confinement.
En outre, certaines des nouvelles filières proposées présentent des caractéristiques spécifiques (telles que la performance de confinement intrinsèque des combustibles particuliers des réacteurs à haute température) qui permettent également de viser une diminution significative des rejets radioactifs en cas d’accident, même les plus graves. Si ces PRM peuvent prétendre a priori atteindre des niveaux de sûreté supérieurs à ceux des réacteurs électrogènes de grande puissance, l’ASN considère qu’il est nécessaire de définir le niveau de sûreté requis pour pouvoir envisager une telle implantation proche des populations.
L’ASN a donc mis en place un groupe consultatif pluraliste (associations représentatives du public, industriels, experts en sûreté nucléaire) pour mener une réflexion sur des objectifs de sûreté renforcés à fixer pour envisager de telles implantations.
Les modalités de dialogue et d’instruction
Afin de se préparer au mieux à d’éventuelles demandes d’autorisation de création de ces projets de réacteurs innovants, et en vue d’une mobilisation des ressources proportionnée au niveau de maturité de chaque projet, un cadre progressif d’échanges techniques en quatre phases a été mis en place.
Phase 1 : contact prospectif
Au cours d’une courte réunion, le porteur de projet est invité à présenter à l’ASN et à l’IRSN :
les grandes caractéristiques de son projet de réacteur (filière, puissance, forme d’énergie délivrée, taille du marché visé en nombre de réacteurs, type de site d’implantation…),
l’état d’avancement de la conception du réacteur et son calendrier de développement,
les capacités techniques et financières actuelles de la société porteuse du projet, ainsi que son plan de croissance (appels de fonds et croissance des effectifs).
A l’issue de ce contact prospectif, si le projet ne répond pas aux trois critères suivants, le porteur du projet est invité à poursuivre son développement avant de reprendre contact avec l’ASN et l’IRSN :
Maturité minimale du projet technique : le porteur de projet doit disposer d’une première esquisse conceptuelle complète de son projet ;
Capacité du porteur de projet à engager des échanges techniques : le porteur de projet doit disposer en propre d’une équipe technique suffisante (estimée à environ une vingtaine d’ingénieur) pour pouvoir engager des échanges techniques avec l’ASN et l’IRSN sur l’ensemble des thèmes techniques associées à la démonstration de la sûreté de son réacteur ;
Pérennité financière minimale du porteur de projet : la société porteuse du projet doit disposer de garanties financières suffisantes pour assurer son développement au moins sur les prochains 18 à 24 mois.
Phase 2 : revue préparatoire du projet
Dès lors que la maturité du projet le permet au regard des trois critères cités, un cycle de réunions thématiques d’échange est mis en place.
Ce cycle de réunions vise à permettre à l’ASN et l’IRSN, au travers de présentations et d’un dialogue technique, de disposer d’une vision d’ensemble précise du projet, de comprendre sa conception particulière, de dresser un état des connaissances disponibles et à acquérir et de bien appréhender les principales orientations de sûreté sur lesquelles le porteur de projet compte s’appuyer pour établir et justifier sa démonstration de sûreté.
Cette phase implique un premier niveau de mobilisation des spécialistes de l’IRSN mais ne constitue qu’un échange d’informations préparatoire à de futures instructions. Aucune position technique sur le projet n’est exprimée à ce stade par l’ASN et l’IRSN.
Phase 3 : une pré-instruction des options de sûreté structurantes du projet
Avant de finaliser la conception détaillée de son réacteur, le porteur de projet a ensuite la possibilité de demander à l’ASN, au titre de l’article R593-14 du code de l’environnement, un avis officiel et public sur une partie des éléments structurants de son projet préalablement à l’engagement d’une procédure d’autorisation de création.
Dans le cadre de projets de réacteurs innovants, l’ASN recommande aux porteurs de projets de recourir à cette phase de pré-instruction qui permet d’engager de premières expertises techniques et de disposer de positions ciblées sur une liste de sujets identifiés à enjeu à l’issue de la phase de revue préparatoire.
Phase 4 : l’instruction de la demande d’autorisation de création
Enfin, une fois que la conception détaillée du projet de réacteur est prête, le dépôt d’une demande d’autorisation de création peut être envisagé.
Cette phase constitue une nouvelle montée en puissance de l’engagement des ressources de l’ASN et de l’IRSN car, outre l’évaluation technique complète du projet, intervient également une évaluation des caractéristiques du site d’implantation et la réalisation d’un programme d’inspections du pétitionnaire, qui acquiert de facto le statut d’exploitant, visant notamment à contrôler son système de management et sa capacité à maîtriser sa sous-traitance.
Standardisation et coopération internationale
Malgré le niveau déjà élevé d’harmonisation au niveau international des standards de sûreté de l’AIEA et, à l’échelle européenne, des objectifs et des niveaux de référence de sûreté adoptés par WENRA, chaque projet de construction d’un modèle de réacteur dans un pays conduit généralement à en modifier la conception originale pour s’adapter au contexte réglementaire national et aux exigences propres de l’exploitant local.
Si le coût de ces adaptations est économiquement acceptable pour les gros réacteurs électronucléaires, ce n’est pas le cas pour des petits réacteurs modulaires dont le modèle économique repose sur une production de série pour réduire leur coût et atteindre leur seuil de rentabilité, impliquant donc qu’un même modèle puisse être autorisé dans plusieurs pays.
Afin de lever les freins potentiels au développement de ces nouveaux petits réacteurs, l’ASN et l’IRSN participent à plusieurs initiatives internationales (AIEA, AEN, WENRA, etc.).