Les enjeux des opérations de conditionnement des déchets radioactifs
Les déchets radioactifs produits lors des phases de fonctionnement puis de démantèlement d’une installation nucléaire de base (INB) doivent faire l’objet d’une gestion sûre jusqu’à leur élimination dans une installation de stockage adaptée. Cette gestion comprend différentes étapes successives (prétraitement, traitement, conditionnement, entreposage, transport, stockage) qui constituent une filière de gestion.
Une telle filière de gestion comprend plusieurs étapes successives et interdépendantes. Chacune de ces étapes doit donc être compatible avec les suivantes, tout particulièrement avec le stockage. Au sein d’une filière de gestion, les opérations de conditionnement des déchets doivent être tout particulièrement encadrées, notamment pour les raisons suivantes :
- ces opérations peuvent impliquer des transformations difficilement réversibles des déchets radioactifs. Il convient donc de s’assurer, préalablement à leur réalisation, de leur compatibilité avec les étapes suivantes de la filière de gestion. Cette vérification est de la responsabilité du propriétaire des déchets radioactifs ou de l’exploitant nucléaire réalisant cette opération ;
- la démonstration de sûreté des installations réceptrices des colis de déchets radioactifs produits (installations d’entreposage ou de stockage tout particulièrement) repose notamment sur le respect d’exigences portant sur les caractéristiques des colis de déchets radioactifs qu’elles acceptent. Il convient ainsi de s’assurer de la bonne réalisation des opérations de conditionnement, afin de garantir la conformité des colis de déchets radioactifs produits avec les caractéristiques attendues pour ceux-ci. L’exploitant qui conditionne des déchets radioactifs est responsable de s’assurer de la qualité des colis qu’il produit. L’exploitant qui reçoit des colis de déchets radioactifs dans son installation est, lui, responsable de vérifier le respect par ces colis des exigences qu’il a fixées.
En France, la loi prévoit par ailleurs que les déchets radioactifs ultimes ne pouvant, pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection, être stockés en surface ou en faible profondeur font l’objet d’un stockage en couche géologique profonde. L’Andra a la mission de concevoir un projet de centre de stockage en couche géologique profonde. Elle développe actuellement un projet de tel stockage, dénommé Cigéo, qui sera une installation nucléaire de base (INB), et sera soumise, à ce titre, au contrôle de l’ASN. Dans l’attente de la version finale des spécifications d’acceptation des colis de déchets radioactifs de cette installation, les colis de déchets radioactifs produits ne doivent présenter aucune caractéristique rédhibitoire vis-à-vis de leur stockage, et être compatibles avec les exigences connues et envisagées pour l’installation de stockage à la date de leur production.
L’article 6.7 de l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base prévoit ainsi que le conditionnement des déchets destinés à des installations de stockage de déchets radioactifs à l'étude prévues aux articles 3 et 4 de la loi du 28 juin 2006 et ne disposant pas de spécifications d'acceptation est subordonné à l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire.
La spécificationDIRP-SP-16-00258 objet de la demande d’Orano
Les usines de La Hague, exploitées par Orano Recyclage, destinées au traitement des assemblages de combustibles irradiés dans les réacteurs nucléaires, produisent notamment des colis de déchets radioactifs de type « CSD-V » pour conditionner des solutions de produits de fission et d’actinides mineurs par le procédé de creuset chaud (ou pot de fusion).
La décision de l’ASN no 2008-DC-0125 du 16 décembre 2008 autorise la production de colis standard de déchets vitrifiés avec teneur en actinides selon la spécification référencée 300‑AQ‑60. Elle prescrit à Areva NC (devenue Orano Recyclage) la poursuite des expérimentations des phénomènes d'altération du verre sur des échantillons représentatifs, dans le but d’apporter des compléments de connaissance nécessaires à la démonstration de sûreté d’un stockage définitif des déchets radioactifs en couche géologique profonde.
En application de l’article 6.7 de l’arrêté du 7 février 2012, Areva NC a demandé l’accord de l’ASN pour conditionner les solutions de produits de fission et d’actinides mineurs en colis CSD-V selon une spécification de production évoluée (DIRP-SP-16-00258).
Conclusions de l’instruction de l’ASN
La nouvelle spécification de production des colis CSD-V présentée par Areva NC diffère de celle actuellement autorisée sur plusieurs points :
- Les activités maximales en en 137Cs et 90Sr sont remplacées par une puissance thermique maximale limitée à 3 000 W par colis CSD-V produit ;
- La dose alpha cumulée à 10 000 ans maximale, actuellement limitée à 1x1019 désintégrations alpha par gramme de verre, est multipliée par 2,5.
Ces évolutions apportent de la souplesse à l’exploitation des ateliers de vitrification de La Hague, en facilitant l’incorporation de combustibles usés tout en évitant d’augmenter significativement le nombre de colis CSD-V à produire.
Après analyse du dossier, l’ASN estime que la nouvelle spécification ne remet pas en cause la démonstration des performances et mécaniques et de confinement d’un colis CSD-V en phase d’entreposage et en phase d’exploitation du stockage en couche géologique profonde. Elle constate toutefois que les expériences conduites jusqu'à ce jour ont permis de mettre en évidence que l’augmentation de la valeur de la vitesse d’altération résiduelle du verre pouvait être attribuée au cumul de dose α, phénomène qui concerne au même titre les colis CSD-V déjà produits selon la spécification actuelle. Aussi, l’ASN prévoit de prescrire la poursuite de ces études, qui devront intégrer les paramètres environnementaux liés au projet de stockage Cigéo
L’ASN soumet donc à consultation du public un projet de décision visant à autoriser et encadrer la production de colis CSD-V selon cette nouvelle spécification.