Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 : une année charnière marquée par de nouvelles ambitions en matière nucléaire
Communiqué de presse
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté le 16 mai aux parlementaires de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 . À cette occasion, l’ASN a présenté ses sujets d’attention face aux nouvelles ambitions en matière nucléaire.
L’ASN souligne qu’en 2023, le niveau de sûreté des installations nucléaires a été satisfaisant [1] avec une moindre tension sur les installations du cycle du combustible qu’en 2022 et la mise en œuvre par EDF d’une stratégie jugée appropriée par l’ASN pour faire face et traiter le phénomène de corrosion sous contrainte apparu sur certains de ses réacteurs. Les performances en matière de radioprotection se sont maintenues à un bon niveau malgré une augmentation, dans le secteur médical, d’événements significatifs de niveau 2. Cette situation contrastée conduit à rappeler l’importance des analyses de risques en radiothérapie.
Dans le contexte marqué par de nouvelles ambitions en matière nucléaire, l’ASN souligne trois sujets d’attention :
- Les perspectives plus ambitieuses, portées par les exploitants, de poursuite d’exploitation des installations nucléaires existantes génèrent un besoin fort d’identification des mesures à mettre en œuvre sans tarder, pour atteindre dans des conditions sûres les nouveaux horizons envisagés. Elles imposent par ailleurs de poursuivre et de renforcer les démarches d’anticipation des enjeux de long terme sur les réacteurs dans une perspective de fonctionnement au-delà de 60 ans, et sur les nouvelles installations du cycle du combustible à envisager, en clarifiant les perspectives retenues en matière de retraitement et d’entreposage des combustibles usés.
- L’engouement suscité par les réacteurs innovants (SMR/AMR) qui présentent des caractéristiques intrinsèques de sûreté potentiellement prometteuses ne doit pas éluder les questions techniques, systémiques et sociétales qu’ils soulèvent. Ces questions sont notamment liées aux travaux préliminaires à réaliser pour démontrer leur sûreté de fonctionnement, à l’ensemble des enjeux de sûreté/sécurité et de non-prolifération à intégrer en amont, au développement d’une approche intégrée de la fourniture du combustible nucléaire et de la gestion des combustibles usés pour chacune des filières technologiques de réacteurs innovants, et à l’acceptabilité de l’implantation de ces réacteurs en dehors de sites nucléaires dédiés.
- Les nombreux projets nouveaux dans le nucléaire imposent un effort exceptionnel en matière de compétences, de conduite de projets et de rigueur industrielle qui concerne l’ensemble de la filière. Malgré des progrès constatés en matière de maîtrise technique et de pilotage des activités, les contrôles de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux installations nucléaires réalisés par l’ASN mettent encore en évidence des faiblesses récurrentes dans la rigueur industrielle. Au-delà de ces faiblesses, dans un contexte de forte montée en charge, la lutte contre les falsifications et les contrefaçons à tous les niveaux de la chaine de sous-traitance doit rester un point majeur de vigilance pour toute la filière et inciter les donneurs d’ordres à développer des démarches favorisant la déclaration des écarts.
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Les sujets d’actualité
La poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires d’EDF
L’ASN a pris position sur les points techniques majeurs soulevés par la perspective d’une durée d’exploitation jusqu’à 60 ans du parc nucléaire d’EDF et sur les analyses particulières ou les recherches à réaliser en amont des réexamens périodiques pour envisager une poursuite de fonctionnement au-delà de 60 ans.
Le cycle du combustible
La tension identifiée ces dernières années sur le « cycle du combustible » s’est atténuée en 2023, en particulier du fait de l’amélioration de la production de l’usine Melox.
Cette amélioration et la perspective d’une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pourraient conduire à reconsidérer l’horizon de saturation des piscines de l’usine Orano de La Hague. Pour autant, l’ASN estime qu’il reste nécessaire de disposer, à terme, d’une nouvelle capacité d’entreposage sûr répondant aux standards actuels et de marges pour faire face aux aléas pouvant survenir sur les installations. De manière générale, l’ASN estime qu’il est urgent de rendre plus résilient l’ensemble de la chaîne d’installations et d’ateliers de gestion aval du combustible pour permettre d’atteindre, dans des conditions sûres, l’horizon 2040 fixé dans la PPE actuelle.
La mise en service de l’EPR de Flamanville
Par décision du 7 mai 2024, l’ASN a autorisé la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. Cette autorisation permet à EDF de charger le combustible nucléaire dans le réacteur et de procéder aux essais de démarrage puis à l’exploitation du réacteur.
L’ASN assurera le contrôle du démarrage du réacteur. En particulier, son accord sera requis avant certaines étapes importantes.
Les nouveaux réacteurs
L’ASN a commencé à instruire la demande d’autorisation de création des réacteurs EPR 2 de Penly, et s’est fortement mobilisée sur les nombreux projets de petits réacteurs modulaires et de réacteurs modulaires avancés qui lui ont été présentés.
Dans les deux cas (EPR 2 et PRM), l’ASN a fait évoluer son organisation et ses modes de travail au regard du retour d’expérience des instructions menées par le passé et au vu des spécificités des nouveaux acteurs.
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Les appréciations de l’ASN
L’ASN exerce sa mission de contrôle en utilisant, de façon complémentaire et adaptée à chaque situation, l’encadrement réglementaire, les décisions individuelles, l’inspection et, si nécessaire, des actions de coercition et de sanction. L’ASN rend compte de sa mission et porte une appréciation sur les actions de chaque exploitant et par domaine d’activité. Au cours de l’année 2023, l’ASN a réalisé 1 790 inspections dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Le contrôle des installations d’EDF
L’ASN considère que la qualité d’exploitation des centrales nucléaires s’est maintenue à un niveau satisfaisant en 2023. L’année a été marquée par la mise en œuvre par EDF d’une stratégie jugée appropriée par l’ASN pour faire face et traiter le phénomène de corrosion sous contrainte apparu sur certains de ses réacteurs.
Le contrôle des installations d’Orano
Sur les installations du cycle du combustible, l’année 2023 a été de moindre tension qu’en 2022. Le plan d’action d’ORANO destiné à surmonter les difficultés de production de l’usine Melox a permis une amélioration significative des quantités de MOX produits et une réduction des rebuts générés. Ces éléments ont contribué à stabiliser le fonctionnement du « cycle du combustible ». Pour autant, l’ASN estime qu’il reste nécessaire de disposer, à terme, de nouvelles capacités d’entreposage des combustibles usés répondant aux standards actuels, et de marges pour faire face aux aléas pouvant survenir sur les installations.
Le contrôle des installations du CEA
L'ASN considère que le niveau de sûreté est resté maîtrisé en 2023, mais que les projets de démantèlement et de reprise et de conditionnement des déchets anciens générés par les installations historiques présentent toujours des résultats contrastés et restent exposés à des aléas majeurs. Malgré le renforcement progressif des pratiques de pilotage par le CEA, les avancées sur ces projets restent limitées par les moyens disponibles, et par les capacités opérationnelles des prestataires de la filière.
Le contrôle des installations de l’Andra
Pour l'ANDRA, dont les installations ont conservé un niveau satisfaisant de sûreté, de radioprotection et de protection de l'environnement, l’année 2023 a été marquée par le début de l’instruction de la demande d’autorisation de création de l’installation de stockage en couche géologique profonde Cigéo, déposée le 16 janvier 2023.
Les appréciations de l’ASN concernant le domaine médical :
La culture de la radioprotection dans le domaine médical doit être entretenue.
L’état de radioprotection dans le domaine médical est satisfaisant, mais des fragilités persistent, notamment dans le domaine des pratiques interventionnelles radioguidées (PIR), qui ont conduit l’ASN à appliquer des moyens de coercition avec une mise en demeure pour la formation à la radioprotection des personnels et la mise en conformité des locaux. Quel que soit son niveau de maturité, la culture de radioprotection doit rester vivante afin d’éviter d’oublier des erreurs du passé. Ainsi, un nombre inédit d’erreurs de cible en radiothérapie, en particulier des erreurs de latéralité, a été rapporté en 2023 et continue en 2024.
Une attention particulière est portée aux signaux faibles observés dans un contexte général de manque de moyens, parfois financiers, mais surtout humains. L’ASN note également une augmentation de remontées, en inspection et par le dispositif de recueillement des signalements des lanceurs d’alerte, de situations conflictuelles internes.
L’ASN attire l’attention des décideurs sur la nécessité d’évaluer l’impact de ces évolutions sur les organisations et le travail des intervenants et de définir précisément les rôles et les responsabilités de l’ensemble des acteurs. La responsabilisation de l’ensemble des acteurs est nécessaire pour assurer le maintien et le développement de la culture de radioprotection.
A consulter dans le Rapport de l’ASN
À propos de l’ASN
L’ASN est l’autorité administrative indépendante chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France.
Ses missions s’articulent autour de quatre métiers :
- la réglementation : l'ASN contribue à l'élaboration de la réglementation, en donnant son avis au gouvernement sur les projets de décret et d'arrêté ministériel ou en prenant des décisions réglementaires à caractère technique. Elle s’assure que la réglementation est claire, accessible et proportionnée aux enjeux ;
- l’autorisation : l’ASN instruit l’ensemble des demandes d’autorisation individuelles des installations nucléaires. Elle accorde les autorisations, à l’exception des autorisations majeures des installations nucléaires de base (INB) telles que la création et le démantèlement. L’ASN délivre également les autorisations prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité et accorde les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives ;
- le contrôle : l'ASN vérifie le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les activités et installations nucléaires civiles en France (centrales nucléaires, installations hospitalières et industrielles utilisant des rayonnements ionisants, laboratoires de recherche, transports de substances radioactives, installations relatives aux déchets nucléaires). L’ASN dispose de pouvoirs de coercition et de pouvoir gradués ;
- l'information du public : l’ASN informe le public et les parties prenantes (associations de protection de l’environnement, commissions locales d’information, médias, etc.) de son activité et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Elle permet à tout citoyen de participer à l’élaboration de ses décisions ayant une incidence sur l’environnement. Elle soutient l’action des commissions locales d’information placées auprès des installations nucléaires.
En cas de situation d'urgence, l'ASN assiste le gouvernement en adressant aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre sur le plan médical et sanitaire ou au titre de la sécurité civile. L'ASN informe le public et ses homologues étrangères de la situation.
[1] Le nombre d’événements significatifs de niveau 1 et 2 classés sur l’échelle INES dans les installations nucléaires est en baisse régulière depuis 5 ans (88 événements déclarés en 2023, 97 en 2022, 104 en 2021, 107 en 2020, 115 en 2019). Deux événements de niveau 2 ont été déclarés en 2023 sur les installations (détection d’une fissure de corrosion sous contrainte d’une taille importante sur le réacteur 1 de la centrale de Penly ; contamination externe d’un intervenant à la centrale de Cattenom conduisant au dépassement de la limite annuelle réglementaire pour la dose équivalente reçue).
Contact presse :
Evangelia Petit, cheffe du pôle presse ASN : 01 46 16 41 42 - evangelia.petit@asn.fr
Date de la dernière mise à jour : 30/05/2024