Défauts du combustible du réacteur de Cattenom
Note d'information
1. Historique
Une augmentation du niveau de radioactivité du circuit primaire, significative d'un défaut d'étanchéité des gaines du combustible, a été constatée sur le réacteur n° 3 de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) un mois après le redémarrage du réacteur, c'est-à-dire vers octobre 1999. Ce niveau de radioactivité est resté stable jusqu'en juin 2000 puis a régulièrement augmenté jusqu'à la fin du cycle de fonctionnement. Le réacteur a été déclaré en " Rupture de Gaine Sérieuse " à partir du 6 septembre 2000, critère qui entraîne une surveillance accrue de l'activité du circuit primaire et une réduction de l'amplitude des variations de puissance du réacteur.
La centrale a informé l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de cette situation le 18 octobre 2000.
Le réacteur a été arrêté le 27 janvier 2001, pour subir sa première visite décennale et le site a procédé aux opérations de purification du fluide primaire du 27 janvier au 19 février 2001. Le déchargement du coeur a débuté le 27 février 2001. L'examen du combustible déchargé a alors révélé qu'un nombre important d'assemblages combustibles étaient endommagés.
Le site de Cattenom a déclaré un incident significatif le 16 mars 2001 que l'Autorité de sûreté nucléaire a classé au niveau 1 de l'échelle INES.
2. Respect des spécifications
Le réacteur n'a pas dépassé les limites de radioactivité du circuit primaire imposées par les spécifications techniques d'exploitation approuvées par l'ASN.
Néanmoins, compte tenu de la présence de radioéléments émetteurs de rayonnement alpha et de leur augmentation rapide, l'Autorité de Sûreté Nucléaire avait demandé à l'exploitant de la centrale de Cattenom en novembre 2000 d'étudier l'opportunité d'un arrêt anticipé du réacteur afin de limiter les conséquences de l'activité primaire sur la radioprotection lors de l'arrêt de tranche et sur l'environnement.
La centrale de Cattenom a préféré poursuivre l'exploitation du réacteur comme prévu, ce qui n'est pas contraire à la réglementation actuelle. L'Autorité de sûreté nucléaire a entrepris une démarche visant à rendre dans l'avenir plus sévères ces spécifications.
3. Conséquences des défauts du combustible
Des défauts d'étanchéité sur les gaines de combustible se traduisent par une augmentation du niveau de radioactivité du circuit primaire. Les études de sûreté permettent de démontrer que, tant que les spécifications techniques sont respectées, cette augmentation de radioactivité ne présente pas de conséquences inacceptables pour la sûreté. Elle a néanmoins des conséquences en matière de radioprotection des travailleurs, de production de déchets et de rejets radioactifs :
a. Conséquences sur la radioprotection des travailleurs
La présence de particules émettrices de radioactivité alpha dans le circuit primaire est à l'origine de risques particuliers de contamination interne des intervenants qui se trouvent à proximité des ouvertures de ce circuit. Ces risques sont d'autant plus importants que le réacteur n° 3 a été arrêté pour une visite décennale, ce qui implique un arrêt de longue durée avec des chantiers de maintenance nombreux et importants et un nombre de prestataires élevé. EDF a mis en place un plan d'actions spécifique destiné à prévenir ces risques .
Lors de l'arrêt du réacteur, le bâtiment réacteur a été évacué à quatre reprises à la suite de la détection d'émetteurs alpha dans l'atmosphère. Selon les informations communiquées par EDF, les détecteurs mis en place pour surveiller la radioactivité dans l'enceinte de confinement ont pu être perturbés par un chantier de sablage alors en cours. Aucun incident significatif de contamination des intervenants ne s'est produit.
Etant donné que les matières radioactives dans le circuit primaire ne seront pas éliminées avant plusieurs cycles, ces risques alpha se manifesteront à nouveau lors des prochains arrêts de tranche.
b. Conséquences sur la production de déchets
Les radioéléments présents dans le circuit primaire vont aussi entraîner des difficultés dans la gestion des déchets (filtres, outils contaminés, etc.) :
- difficultés à discriminer et à tracer les déchets contenant des émetteurs alpha,
- difficultés à respecter les critères ANDRA d'activité alpha pour l'évacuation des déchets.
c. Conséquences sur les rejets radioactifs
Entre l'arrêt du réacteur et l'ouverture du circuit de refroidissement primaire, le site a dû purifier le fluide primaire pendant plus de 3 semaines alors que cette opération dure habituellement quelques jours.
Un incident de rejet radioactif est survenu le 1er février 2001 pendant cette période. Cet incident a conduit au dépassement modéré du seuil d'alarme haut de radioactivité de l'air rejeté, qui est fixé à une valeur équivalente à celle qui serait tolérable comme ambiance de travail permanente. L'exploitant a réagi en cessant l'opération en cause. Cet incident est lié à une vérification insuffisante, en préalable au rejet, de la radioactivité des effluents. Les conditions de rejets radioactifs de la centrale nucléaire, fixées par l'arrêté interministériel du 4 août 1989 n'ont pas été transgressées et l'incident est resté sans conséquence sur les personnes ou l'environnement. En conséquence, il a été classé au niveau 0 de l'échelle INES de gravité des événements nucléaires.
D'une manière générale, tout en respectant les autorisations, les rejets gazeux du site de Cattenom ont notablement augmenté à la suite des défauts du combustible.
A titre d'illustration, pour les deux mois de la période du 1er janvier 2001 au 29 février 2001, les rejets gazeux du site ont été aussi élevés que sur l'ensemble de l'année 2000 pour les rejets de gaz rares et représentent environ le double de l'année 2000 pour les rejets d'halogènes et d'aérosols.
4. Causes des défauts du combustible
La pollution radioactive du circuit de refroidissement primaire du réacteur n°3 de Cattenom est due à des défauts d'étanchéité de 28 assemblages combustibles sur les 193 que contient le coeur de ce réacteur. Deux de ces 28 assemblages ont achevé leur 2ème cycle d'irradiation , les 26 autres ont achevé leur 3ème et dernier cycle d'irradiation.
Les contrôles des assemblages combustibles déclarés inétanches, réalisés par EDF depuis le déchargement ont révélé l'endommagement au total de 92 crayons combustibles répartis dans les 28 assemblages précités. Pour mémoire, un assemblage combustible comporte 264 crayons combustibles. Le coeur du réacteur de Cattenom 3 rassemble environ 60 000 crayons combustibles.
La nature et le nombre de défauts observés sur le réacteur n°3 de Cattenom sont, à ce jour, les plus significatifs rencontrés en France sur les réacteurs en exploitation.
Selon EDF, ces défauts ont été causés par un phénomène vibratoire appelé "fretting". Il s'agit de la vibration du crayon combustible à l'intérieur de la cellule de la grille qui le maintient, provoquant ainsi l'usure, puis le percement de ce crayon. Les traces de vibration ont été détectées en partie basse des crayons combustibles endommagés.
L'origine de ce phénomène vibratoire est à l'heure actuelle inexpliquée.
Ces défauts auraient ensuite provoqué un endommagement de certains des crayons combustibles, en partie haute de la gaine, qui se manifeste par la présence d'une fissure traversante de la gaine. Quelques endommagements plus significatifs sont caractérisés par une ouverture longitudinale voire une rupture circonférentielle de la gaine du crayon combustible (voir photos en annexe).
Le 3 avril 2001, l'Autorité de Sûreté Nucléaire a soumis à son autorisation le rechargement du réacteur n° 3 de Cattenom . Cette autorisation ne pourra être prononcée qu'à l'issue de l'analyse du dossier transmis par EDF le 11 mai 2001. Ce dossier présente notamment :
- les résultats des investigations engagées pour tenter d'identifier l'origine du phénomène vibratoire
- les caractéristiques du coeur du réacteur 3, aux plans neutronique et thermohydraulique, pour le cycle de fonctionnement à venir ( EDF prévoit que la moitié des assemblages combustibles ayant achevé leur second cycle d'irradiation ne sera pas rechargée au cycle à venir) ;
- les mesures de surveillance particulière de l'activité contenue dans le circuit primaire du réacteur, pendant le cycle à venir et la stratégie de conduite de ce réacteur en cas d'apparition de nouvelles anomalies de comportement du combustible.
Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021