Les bases de la réglementation des activités nucléaires
Le référentiel international pour la radioprotection
Le cadre juridique propre à la radioprotection trouve sa source dans des normes, standards ou recommandations établis par différents organismes internationaux. Peuvent être citées, en particulier :
- la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), organisation non gouvernementale composée d’experts internationaux de diverses disciplines, qui publie des recommandations sur la protection des travailleurs, de la population et des patients contre les rayonnements ionisants, en s’appuyant sur l’analyse des connaissances scientifiques et techniques disponibles et notamment celles publiées par le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR, United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation). Les dernières recommandations générales de la CIPR ont été publiées en 2007 dans sa publication n° 103 ;
- l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui publie et révise régulièrement des « standards » dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Les exigences de base en matière de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnements, fondées sur les dernières recommandations de la CIPR (publication 103) ont été publiées en juillet 2014 ;
- l’Organisation internationale de normalisation (ISO, International Standard Organisation) qui publie des normes techniques internationales présentant un caractère de référence dans le domaine de la radioprotection ;à l’échelle européenne, le Traité Euratom, plus particulièrement les articles 30 à 33, définit les modalités d’élaboration des dispositions communautaires relatives à la protection contre les rayonnements ionisants et précise les pouvoirs et obligations de la Commission européenne en ce qui concerne leurs modalités d’application. Les directives Euratom correspondantes s’imposent, après transposition dans le droit national, aux différents pays. La directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) le 17 janvier 2014, est le fondement de la réglementation française en matière de radioprotection tant pour ce qui concerne la protection du public, que la protection des travailleurs et des personnes exposées dans un cadre médical.
Le cadre juridique applicable au contrôle des activités nucléaires en France
Le cadre juridique des activités nucléaires en France, qui avait fait l’objet de profondes refontes depuis 2000, a été mis à jour avec la transposition de la directive 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013. La transposition de cette directive est assurée principalement en France par l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire prévue à l’article 128 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV) et par les décrets n°2018-434 du 4 juin 2018 portant diverses dispositions en matière nucléaire et n°2018-437 du 4 juin 2018 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants.
Au niveau législatif, l’ordonnance du 10 février 2016 a permis en particulier une nouvelle écriture des dispositions législatives du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique relative aux rayonnements ionisants (articles L. 1333-1 et suivant), tout en conservant l’essentiel des principes et exigences existantes. Au niveau réglementaire, les décrets du 4 juin 2018 modifient le code du travail, le code de la santé publique, le code de l’environnement, le code de la défense et le code de la sécurité publique.
Le code de la santé publique
L’article L. 1333-1 du code de la santé publique définit les activités nucléaires comme les activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants lié à la mise en œuvre soit d’une source artificielle, qu’il s’agisse de substances ou de dispositifs, soit d’une source naturelle, qu’il s’agisse de substances radioactives naturelles ou de matériaux contenant des radionucléides naturels. Elles incluent également les actions mises en œuvre pour protéger les personnes vis-à-vis d’un risque consécutif à une contamination radioactive de l’environnement ou de produits provenant de zones contaminées ou fabriqués à partir de matériaux contaminés.
Le code de la santé publique définit, dans son article L. 1333-2, les principes généraux de la radioprotection (justification, optimisation et limitation). Ces principes, décrits au point 2, orientent l’action réglementaire dont l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a la responsabilité.
Le champ d’application du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique relatif aux rayonnements ionisants couvre les actions nécessaires pour prévenir ou réduire les risques dans différentes situations d’exposition radiologique : outre les actions mises en œuvre pour protéger les personnes vis-à-vis d’un risque consécutif à une contamination radioactive de l’environnement ou de produits provenant de zones contaminées ou fabriqués à partir de matériaux contaminés, sont également concernées les actions mises en œuvre en cas de situation d’urgence radiologique et en cas d’exposition à une source naturelle de rayonnement ionisant et notamment le radon. Les décisions d’engager ces actions doivent être justifiées. Elles doivent ainsi présenter plus d’avantages que de risques, et le principe d’optimisation leur est applicable.
Afin de tenir compte du principe d’approche graduée des risques, le régime administratif a évolué avec l’introduction, en plus des procédures de déclaration et d’autorisation existantes, d’une procédure d’autorisation simplifiée intermédiaire, dénommée procédure d’enregistrement. La décision n° 2018-DC-0649 de l’ASN du 18 octobre 2018 définissant la liste des activités nucléaires soumises au régime de déclaration et les informations qui doivent être mentionnées dans ces déclarations, a mis à jour le régime existant de la déclaration. La décision n° 2021-DC-0703 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 4 février 2021 établissant la liste des activités nucléaires mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants à des fins industrielle, vétérinaire ou de recherche (hors recherche impliquant la personne humaine) soumises au régime d’enregistrement, et les prescriptions applicables à ces activités et la Décision n° 2021-DC-0704 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 4 février 2021 établissant la liste des activités à finalité médicale utilisant des dispositifs médicaux émetteurs de rayonnements ionisants soumises au régime d'enregistrement et les prescriptions relatives à ces activités sont entrées en vigueur le 1er juillet 2021. Une autre décision technique de l’ASN, viendra mettre à jour le régime existant d’autorisation.
Un article spécifique (L. 1333-7) définissant les intérêts protégés a été ajouté. Ces intérêts visent « la protection de la santé publique, de la salubrité et de la sécurité publiques, ainsi que de l’environnement, contre les risques ou inconvénients résultant des rayonnements ionisants ». Les risques à prendre en compte sont non seulement ceux liés à l’exercice de l’activité nucléaire, mais également désormais ceux liés à des actes de malveillance, et ce, dès la mise en place de l’activité jusqu’à sa cessation.
Le code de la santé publique institue également l’inspection de la radioprotection, composée et animée par l’ASN, chargée de contrôler l’application de ses dispositions en matière de radioprotection. Le code définit par ailleurs un dispositif de sanctions administratives et pénales. Ce dispositif a été renforcé, par l’ordonnance du 10 février 2016, par l’instauration d’un système complet de contrôle, de mesures de police et de sanctions, administratives et pénales, exercé principalement par l’ASN et les inspecteurs de la radioprotection, par renvoi à celui figurant au chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code de l’environnement.
Le code de l’environnement
Le code de l’environnement (article L. 591-1) définit les principales notions. La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident. L’ expression « sécurité nucléaire » reste cependant encore, dans certains textes, limitée à la prévention des actes de malveillance et à la lutte contre ceux-ci.
La sûreté nucléaire est « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des INB ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets ».
La radioprotection est « la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement ».
L’article L. 593-42 du code de l’environnement précise que « Les règles générales, prescriptions et mesures prises en application du présent chapitre et des chapitres V et VI pour la protection de la santé publique, lorsqu’elles concernent la radioprotection des travailleurs, portent sur les mesures de protection collectives qui relèvent de la responsabilité de l’exploitant et de nature à assurer le respect des principes de radioprotection définis à l’article L. 1333-2 du code de la santé publique. Elles s’appliquent aux phases de conception, d’exploitation et de démantèlement de l’installation et sont sans préjudice des obligations incombant à l’employeur en application des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail. »
La transparence en matière nucléaire est « l’ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire telle que définie à l’article L. 591-1 ».
L’article L. 591-2 du code de l’environnement énonce le rôle de l’État en matière de sécurité nucléaire, et dispose qu’il définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire et met en œuvre les contrôles nécessaires à son application.
Cet article précise que l’État « veille à ce que la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, et son contrôle, soient évalués et améliorés, le cas échéant, en tenant compte de l’expérience acquise dans le cadre de l’exploitation, des enseignements tirés des analyses de sûreté nucléaire effectuées pour des installations nucléaires en exploitation, de l’évolution de la technologie et des résultats de la recherche en matière de sûreté nucléaire, si ceux-ci sont disponibles et pertinents ». Conformément à l’article L. 125-13 du code de l’environnement, « l’État veille à l’information du public en matière de risques liés aux activités nucléaires définies au premier alinéa de l’article L. 1333-1 du code de la santé publique et à leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l’environnement ». Les principes généraux applicables aux activités nucléaires sont mentionnés successivement aux articles L. 591-3 et L. 591-4 du code de l’environnement.
Le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement institue l’ASN, en définit la mission générale et les attributions et en précise la composition et le fonctionnement.
Le chapitre V du titre II du livre Ier du code de l’environnement traite de l’information du public en matière de sécurité nucléaire.
Les autres codes ou lois contenant des dispositions spécifiques aux activités nucléaires
Le code du travail définit des dispositions spécifiques pour la protection des travailleurs, salariés ou non, exposés aux rayonnements ionisants.
Le chapitre II du titre IV du livre V du code de l’environnement fixe le cadre de la gestion des matières et déchets radioactifs. Il impose aux exploitants d’INB de provisionner des charges de gestion de leurs déchets et combustibles usés et de démantèlement de leurs installations.
Enfin, le code de la défense contient diverses dispositions relatives à la protection contre la malveillance dans le domaine nucléaire ou au contrôle des activités et installations nucléaires intéressant la défense.
Les autres réglementations concernant les activités nucléaires
Les activités nucléaires sont soumises, pour certaines d’entre elles, à diverses règles ayant le même objectif de protection des personnes et de l’environnement que les réglementations mentionnées ci-dessus mais avec un champ d’application ne se limitant pas au nucléaire ; il s’agit par exemple des conventions internationales, des dispositions européennes ou inscrites dans le code de l’environnement en matière d’évaluation de l’impact, d’information et de consultation du public, ou de la réglementation relative au transport de matières dangereuses ou de celle des équipements sous pression.
Signée le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark), la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus), a été ratifiée par la France le 8 juillet 2002 et est entrée en vigueur en France le 6 octobre 2002. Avec l’objectif de contribuer à protéger le droit de vivre dans un environnement propre à assurer la santé et le bien-être, les États signataires garantissent des droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement.
S’inscrivant dans la ligne de la Convention d’Aarhus, l’article 7 de la Charte de l’environnement dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, […] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». La plupart des décisions prises par l’ASN, qu’elles soient de nature réglementaire ou individuelle, constituent de telles décisions.
Les articles L. 123-19-1 et L. 123-19-2 du code de l’environnement fixent les conditions et limites de mise en œuvre du principe de participation du public pour les décisions réglementaires et individuelles ayant une incidence sur l’environnement. Dans les deux cas, il s’agit de procédures de participation du public « subsidiaires », c’est-à-dire de procédures qui sont applicables dans le cas où les textes spécifiques ne prévoient pas une procédure particulière.
Pour les décisions réglementaires ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement dispose que le projet de décision est mis à la disposition du public par voie électronique pendant une durée qui ne peut être inférieure à 21 jours, sauf urgence tenant à la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public.
Pour les décisions individuelles ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement dispose que le projet de décision – ou, lorsque la décision est prise sur la base d’une demande –, le dossier correspondant soit mis à la disposition du public par voie électronique pendant une durée qui ne peut être inférieure à 15 jours, sauf urgence tenant à la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public.
Limites annuelles d'exposition contenues dans le code de la santé publique et dans le code du travail
RÉFÉRENCE | DÉFINITION | VALEURS | OBSERVATIONS |
---|---|---|---|
LIMITES ANNUELLES POUR LA POPULATION | |||
Article R.1333-11 du code de la santé publique | • Dose efficace | 1 mSv/an | • Ces limites intègrent la somme des doses efficaces ou équivalentes reçues du fait des activités nucléaires. |
• Dose équivalente pour le cristallin (œil) | 15 mSv/an | ||
• Dose équivalente pour la peau (dose moyenne pour toute surface de 1 cm2 de peau, quelle que soit la surface exposée) | 50 mSv/an | ||
LIMITES POUR LES TRAVAILLEURS SUR 12 MOIS CONSÉCUTIFS | |||
Article R. 4451-6 à R. 4451-8 du code du travail | Adultes | • Ces limites intègrent la somme des doses efficaces ou équivalentes reçues. | |
• Dose efficace | 20 mSv | ||
• Dose équivalente pour les mains, les avant-bras, les pieds et les chevilles | 500 mSv | ||
• Dose équivalente pour la peau (dose moyenne sur toute surface de 1 cm2, quelle que soit la surface exposée) | 500 mSv | • Dans des circonstances exceptionnelles, des autorisations de dépassement des valeurs limites peuvent être accordées par l’inspection du travail selon les modalités définies aux articles R.4451-89 à 93 du code du travail. | |
• Dose équivalente pour le cristallin (œil) | 20 mSv** | ||
Femmes enceintes | L’exposition de l’enfant à naître doit être maintenue aussi faible que raisonnablement possible et en tout état de cause, la dose équivalente ne doit pas dépasser la valeur mentionnée. | ||
• Exposition de l’enfant à naître | 1 mSv | ||
Jeunes de 16 à 18 ans* : | |||
• Dose efficace | 6 mSv | ||
• Dose équivalente pour les mains, les avant-bras,les pieds et les chevilles | 150 mSv | ||
• Dose équivalente pour la peau | 150 mSv | ||
• Dose équivalente pour le cristallin (œil) | 15 mSv |
* Uniquement dans le cadre de dérogations, contrat d’apprentissage par exemple.
** Du 1er juillet 2018 au 30 juin 2023, la valeur limite d’exposition est fixée à 100 mSv sur cinq ans sans dépasser 50 mSv/an.