La France est le premier pays au monde en nombre de réacteurs nucléaires en exploitation par habitant : 56 réacteurs pour 66 millions de Français, en 2021. Ces réacteurs sont implantés au sein de 18 centrales nucléaires réparties dans l’Hexagone. Ensemble, elles produisent près de 70% de l’électricité totale produite par la France.
Le parc des centrales nucléaires françaises présente la particularité d’être standardisé : quoique nombreuses et construites en l’espace de plus de 20 ans, elles restent techniquement proches, reposant toutes sur une même technologie : l’eau sous pression. Autre caractéristique : un seul et même industriel, EDF (Electricité de France) les exploite. De même, la conception et la construction des centrales nucléaires ont principalement été réalisées par une société unique, AREVA NP, redevenue depuis janvier 2018 la société Framatome.
La responsabilité des activités à risque incombe à ceux qui les entreprennent. En France, c’est EDF, l’exploitant, qui est le premier responsable de la sûreté des centrales nucléaires. Il s’agit pour le groupe de mettre en œuvre les dispositions qui permettront de garantir leur bon fonctionnement, d’éviter les accidents et de gérer les éventuels incidents de manière à en minimiser les conséquences.
L’ASN, Autorité administrative indépendante
Pour s’assurer qu’EDF exerce sa responsabilité d’exploitant et respecte les exigences de la réglementation en matière de sûreté nucléaire, l’État a chargé une autorité administrative indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de le contrôler. Historiquement, le contrôle visait à s’assurer de la conformité technique des installations et des activités. Mais son champ d’action s’est élargi. Aujourd’hui, le contrôle englobe également les facteurs organisationnels et humains : il prend en compte les comportements individuels et collectifs et le management, par exemple. Il prend également en compte les aspects environnementaux ainsi que la radioprotection des travailleurs.
L’ASN dispose d’une direction opérationnelle, la direction des centrales nucléaires. Celle-ci s’appuie sur une équipe d’inspecteurs affectés notamment au contrôle des installations nucléaires productrices d’électricité.
Les événements significatifs doivent être rendus publics
En plus des éléments recueillis lors de ses inspections, l’ASN dispose de données fournies par l’exploitant conformément à la procédure réglementaire de déclaration des événements significatifs. EDF est tenu de déclarer à l’ASN tout événement significatif qui surviendrait au sein de ses installations nucléaires. Ainsi l’ASN peut vérifier qu’EDF a analysé les problèmes de manière pertinente et que les mesures ont été prises pour corriger la situation et éviter que l’événement ne se reproduise.
Le parc français des centrales nucléaires
Les 18 centrales nucléaires actuellement en fonctionnement en France ont été globalement construites sur le même mode. Tous leurs réacteurs utilisent la même technologie, dans laquelle de l’eau sous pression sert à transporter la chaleur produite par les réactions nucléaires.
Cette standardisation du parc électronucléaire a permis à EDF ainsi qu’à l’ASN d’accumuler une solide expérience du fonctionnement des réacteurs à eau sous pression. En France, les 18 centrales nucléaires totalisent en effet 1300 ans de fonctionnement. Mais cette situation présente aussi un inconvénient. Si un défaut de conception fondamental apparaît sur l’une des installations, les autres peuvent être potentiellement concernées.
Les centrales nucléaires regroupent un total de 57 réacteurs dont 32 produisent chacun une puissance électrique de 900 MégaWatt (MWe) – 900 MWe permet d’alimenter près de 500 000 foyers. A cela s’ajoutent 20 réacteurs de 1300 MWe, tandis que les quatre derniers délivrent 1450 MWe. Le 57ème réacteur a reçu une autorisation de mise en service en mai 2024 : il s'agit du réacteur EPR de Flamanville, dans la Manche. De type EPR (Evolutionary Pressurised water Reactor), il développera une puissance électrique de l’ordre de 1600 MWe. Actuellement, ces installations produisent près de 80% de l’électricité produite en France.
Six familles de réacteurs
Certaines nouveautés technologiques ont été introduites sur les réacteurs à mesure que le parc des centrales nucléaires s’étoffait. Les installations appartiennent ainsi à cinq familles, appelées "paliers", qui diffèrent par certains aspects.
On distingue ainsi les paliers :
• CP0 : quatre réacteurs de 900 MWe au Bugey ; ce sont les premiers réacteurs mis en service encore en activité ; • CPY : vingt huit réacteurs de 900 MWe au Blayais, à Chinon, à Cruas-Meysse, à Dampierre-en-Burly, à Gravelines, à Saint-Laurent-des-Eaux et au Tricastin ; • P4 : huit réacteurs de 1300 MWe à Flamanville, Paluel et Saint-Alban ; • P'4 : douze réacteurs de 1300 MWe à Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent-sur-Seine et Penly ; • N4 : quatre réacteurs de 1450 MWe à Chooz et Civaux ; • EPR : un réacteur de 1650 MWe à Flamanville.
Par exemple, les réacteurs des paliers P4 et P’4 se différencient de ceux du palier précédent, dit CPY, par le renforcement de leur enceinte de confinement. Il s’agit d’une enveloppe en béton destinée à empêcher les dégagements de matière radioactive dans l’environnement en cas d’accident grave. Elle est constituée d’une double paroi en béton sur les réacteurs des paliers P4 et P4’ au lieu d’une seule paroi doublée d’une peau d’étanchéité en acier pour les réacteurs précédents du palier CPY.
Autre exemple : pour leur pilotage (on parle de « conduite »), les réacteurs du palier N4 font davantage appel à l’informatique qu’auparavant. La conception des générateurs de vapeur de ces paliers est également différente, permettant de les rendre plus compacts.
Le fonctionnement d’un réacteur
Les réacteurs nucléaires utilisent la chaleur dégagée par la fission des atomes pour chauffer de l’eau sous pression et, au final, faire tourner une turbine productrice d’électricité.
1/ Le circuit primaire
Dans le réacteur, la fission des atomes d'uranium ou de plutonium produit une grande quantité d’énergie sous forme de chaleur. Cette chaleur fait augmenter la température de l'eau du circuit primaire qui circule autour du cœur du réacteur, à 320°C. L'eau est maintenue sous pression pour l'empêcher de bouillir. Ce circuit fermé est appelé circuit primaire.
2/ Le circuit secondaire
Le circuit primaire échange la chaleur avec un deuxième circuit fermé, appelé circuit secondaire dans un générateur de vapeur. Dans ce générateur de vapeur, l'eau chaude du circuit primaire chauffe l'eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur. La pression de cette vapeur fait tourner une turbine qui entraîne à son tour un alternateur. Grâce à l'énergie fournie par la turbine, l'alternateur produit un courant électrique alternatif. Un transformateur élève la tension du courant électrique produit par l'alternateur pour qu’il soit plus facilement transporté dans les lignes à très haute tension (400 000 volts).
3/ Le circuit de refroidissement
À la sortie de la turbine, la vapeur du circuit secondaire est refroidie et transformée en eau grâce à un condenseur dans lequel circule de l'eau froide en provenance de la mer ou d'un cours d’eau. Ce troisième circuit est appelé circuit de refroidissement. Au bord d’un cours d’eau, l'eau de ce troisième circuit peut être refroidie au contact de l'air circulant dans de grandes tours, appelées aéroréfrigérants. Les trois circuits d'eau sont étanches les uns par rapport aux autres.
Les éléments du réacteur
Combustible, circuits, cuve… Certains éléments d’un réacteur font l’objet d’une surveillance poussée de la part d’EDF et d’une attention toute particulière de la part de l’ASN. Certains d’entre eux subissent des phénomènes de vieillissement et font l’objet d’une surveillance particulière.
Le combustible
L’exploitant, EDF, cherche à optimiser la disponibilité et les performances des réacteurs en exploitation. Pour cela, il s’efforce notamment d’améliorer les combustibles nucléaires et leur gestion. L’ASN veille à ce que ce type d’évolution s’accompagne d’une démonstration de la sûreté des réacteurs.
Les circuits
Les circuits primaire et secondaires des réacteurs, qui transportent l’eau chaude sous pression permettant de refroidir le cœur du réacteur et de produire de l’électricité, font l’objet d’un contrôle approfondi de la part de l’ASN. Eléments fondamentaux d’un réacteur, ils contribuent à toutes les fonctions fondamentales de sûreté : le confinement, l’évacuation de la chaleur et de la puissance résiduelle, la maîtrise de la réactivité. Leur état est satisfaisant, mais les phénomènes de vieillissement qui peuvent les affecter doivent être pris en compte. L’un des alliages qui compose certains de ces circuits, l’Inconel 600 (alliage à base de nickel et de chrome d’une bonne résistance à l’oxydation et à la corrosion à des températures élevées), présente des signes de corrosion là où la pression des circuits est importante. Dès 1980, des fissures sont apparues sur certains de ces éléments. Outre une surveillance accrue, l’ASN a demandé à EDF d’adapter sa stratégie globale de maintenance des zones en Iconel 600.
La cuve
La cuve, qui contient le cœur radioactif du réacteur, est un élément essentiel. Aussi haut qu’un immeuble de quatre étages, ce cylindre de métal supporte des conditions extrêmes : pression interne équivalente à celle que l’on rencontre à 1500 mètres sous la mer, bombardement incessant de neutrons issus de la réaction de fission des atomes d’uranium ou de plutonium du cœur, le tout à une température de plus de 300°C. Soumises à un régime aussi sévère – en particulier au bombardement neutronique -, les cuves se dégrade lentement. La rupture d’une cuve est un événement d’une telle gravité qu’il ne peut être envisagé. Pour s’en prémunir, des contrôles de leur vieillissement sont régulièrement réalisées, notamment par ultrasons. À l’approche des troisièmes visites décennales des réacteurs de 900 MWe (premiers réacteurs mis en service encore en activité), l’ASN prendra position sur la base des dossiers transmis par EDF sur les conditions d’exploitation des cuves de ces réacteurs affectées par certains défauts de structure.
Les générateurs de vapeur
Les générateurs de vapeur sont des échangeurs de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau du circuit secondaire. L’intégrité de ces éléments constitue un enjeu important de sûreté. Leur dégradation peut avoir pour conséquence une fuite radioactive du circuit primaire vers le secondaire, aussi font-ils l’objet d’un programme de surveillance spécifique. EDF a proposé de remplacer de manière anticipée les générateurs de vapeur en Inconel 600 sur les réacteurs concernés. Une fuite importante – 500 litres par heure – s’étant produite en 2006 sur l’un de ces équipements à Cruas-Meysse, en Ardèche, l’exploitant a également mis en place de nouvelles procédures à appliquer en cas d’incident de ce type.
Les enceintes de confinement
Lors des visites décennales, les enceintes de confinement des réacteurs de 1300 et 1450 MWe, comme celles de Paluel, en Seine-Maritime, ou de Chooz, dans les Ardennes, ont présenté un débit de fuite de l’enceinte – paramètre permettant de surveiller son étanchéité – plus élevé que ce qui était attendu. Or, ces parois en béton, de plus d’un mètre d’épaisseur, et qui entourent le bâtiment réacteur où se trouve la cuve des réacteurs, ont pour fonction de confiner les matières radioactives dans le bâtiment réacteur en cas d’accident. EDF a réagi en lançant un programme de réparation préventive approuvé par l’ASN visant à colmater les zones les plus touchées.
Comment est assurée la sûreté ?
La mission de l’ASN s’articule autour de quatre grands principes intangibles : la responsabilité de l’exploitant, l’indépendance vis à vis de l’exploitant, la mise en place d’une stratégie de sûreté fondée sur la « défense en profondeur » et la prise en compte permanente des événements de terrain.
Pour exercer sa mission, l’ASN s’appuie sur plusieurs principes d’action. Ces règles internationales, qui ont émergé à mesure que les Autorités de sûreté nucléaire acquéraient de l’expérience, sont aujourd’hui connues et partagées par la plupart des acteurs dans le monde :
La responsabilité de l’exploitant
L’exploitant (en France, EDF) est responsable de la sûreté des centrales nucléaires. C’est à lui de définir l’organisation qu’il souhaite mettre en place pour s’assurer que ses installations ne présentent pas de risques ou d’inconvénients pour le public et l’environnement. De son côté, l’ASN contrôle les activités de l’exploitant en vérifiant, par exemple, qu’il applique la réglementation, au cours d’inspections.
L’indépendance de l’Autorité de contrôle
L’organisme réglementaire, en France, l’ASN, est une Autorité administrative indépendante. Cette indépendance s’entend sur deux plans : indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, c’est-à-dire du Gouvernement, et indépendance vis-à-vis des acteurs et des entreprises du secteur du nucléaire, c’est-à-dire des exploitants. Ainsi, l’ASN peut-elle exercer ses responsabilités en matière d’autorisation, d’inspection et de sanction de la manière la plus impartiale.
La défense en profondeur
La définition et l’optimisation des dispositions techniques et des mesures organisationnelles, prises pour garantir la sûreté nucléaire des installations, sont en grande partie réalisées par l’application du principe de défense en profondeur. Ce principe est fondé sur plusieurs niveaux de protection, techniques ou organisationnels, afin de maintenir l’efficacité des barrières physiques placées entre les substances radioactives et les travailleurs, le public et l’environnement dans des conditions de fonctionnement normal, en cas d’incident et, pour certaines barrières, en cas d’accident. Le principe de défense en profondeur est fondé sur un ensemble de lignes de défense suffisamment indépendantes visant à :
la prévention des anomalies, ou écarts, de fonctionnement et des défaillances des systèmes (conception, définition du domaine de fonctionnement et de l’organisation) ;
le maintien de l’installation dans le domaine de fonctionnement autorisé grâce à la surveillance et à la détection des écarts (exploitation) ;
la maîtrise des accidents à l’intérieur des hypothèses de conception (moyens d’action pour répondre à des cas envisagés) ;
la prévention de la dégradation des conditions d’accident et la limitation des conséquences des accidents graves ;
la limitation des conséquences pour les populations en cas d’accident important (préparation à la gestion de crise).
Le retour d’expérience
Lorsque l’exploitant découvre un événement significatif, il est tenu d’en informer l’ASN dans un délai de 48 heures. L’ASN s’assure de la suffisance des actions correctives mises en œuvre et proposées par l’exploitant et peut imposer que des actions correctives complémentaires soient mises en place de manière à éviter que de tels événements se reproduisent. Ainsi des « boucles de retour d’expérience » ont-elles été conçues pour permettre à l’exploitant d’évaluer la qualité de sa défense en profondeur. D’autres processus visent par exemple à déclarer à l’ASN toutes modifications significatives des installations.
En fonctionnement normal
Avant la mise en service d’un nouveau réacteur nucléaire, l’exploitant fournit à l’ASN toutes les informations qui lui permettront d’évaluer la façon dont la sûreté sera assurée sur le site. L’autorisation de l’ASN est un préalable indispensable. Lorsque la centrale nucléaire est mise en service, des inspections sont toujours organisées de manière à contrôler l’état des matériels et la manière dont l’installation est gérée.
En 2021, 2 322 jours.inspecteur ont été consacrés à l'inspection des INB et des ESP, répartis en 839 inspections, donc environ 17% ont été réalisées de façon inopinée. Ce travail d'inspection est réparti en 1 2160 jours.inspecteur dans les centrales nucléaires (426 inspections), 819 jours.inspecteur dans les autres INB (295 inspections sur site), c'est-à-dire principalement les installations du "cycle du combustible", installations de recherche et installations en démantèlement, et 287 jours.inspecteurs pour les ESP (équipements sous pression nucléaire) (101 inspections sur site).
En fonctionnement normal, l’ASN vérifie que l’exploitant assume pleinement sa responsabilité en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection (c’est-à-dire de protection des personnels contre l’exposition à la radioactivité), de protection de l’environnement et qu’il respecte la réglementation. Grâce à ce contrôle, l’ASN peut évaluer la performance de l’exploitant et identifier les nouveaux enjeux de la sûreté sur lesquels concentrer son action.
Le contrôle est global : équipements, travailleurs et management
Historiquement, les contrôles consistaient principalement en une vérification de la conformité technique des installations. Mais cette situation a évolué. Le contrôle comprend aujourd’hui une nouvelle dimension : ce qu’il est convenu d’appeler les « facteurs organisationnels et humains ». En plus des équipements et du respect de la réglementation, l’ASN examine les comportements individuels et collectifs des travailleurs, la manière dont ils sont dirigés ou encore l’ergonomie des procédures qu’ils suivent pour intervenir sur les installations. La loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire du 13 juin 2006 (dite loi « TSN ») a également confié à l’ASN les missions d’inspection du travail dans les centrales nucléaires.
Lorsque les activités de l’exploitant ne sont pas conformes à la législation ou à la réglementation, l’ASN peut recourir aux sanctions prévues par la loi. L’ASN dispose de toute une palette d’outils qui vont de l’avertissement verbal jusqu’à la suspension du fonctionnement d’une installation en passant par la lettre adressée à l’exploitant, la mise en demeure ou encore l’exécution d’office de travaux aux frais de l’exploitant.
En cas d’incident ou d’accident
En cas d’incident dans une centrale nucléaire (par exemple en cas de rupture d’une tuyauterie du circuit primaire), il revient à l’exploitant de ramener le réacteur dans un état stable et de l’y maintenir. Bien que tout soit fait pour éviter leur occurrence, un accident grave pourrait conduire à ne plus pouvoir refroidir le combustible nucléaire dans la cuve du réacteur. Cette situation peu probable pourrait conduire à une fusion du combustible et à des rejets dans l’enceinte de confinement puis à l’extérieur, et avoir des conséquences pour la santé du public et pour l’environnement.
Jusqu’à l’accident de Three Mile Island, le 29 mars 1979, aux Etats-Unis, l’exploitant devait mettre en œuvre une approche dite « événementielle » pour corriger les anomalies de fonctionnement. Elle consistait, pour chaque type d’incident ou accident, à réagir en menant à bien une suite d’actions prédéterminées. Mais cette approche ne permet pas de gérer les situations complexes où l’événement à l’origine du problème se complique de défaillances matérielles ou humaines.
Cette approche a donc été remplacée progressivement par une autre : l’approche par état. Elle consiste à appliquer des stratégies de conduite (c’est-à-dire de pilotage) du réacteur en fonction de l’état réel de la chaudière, quels que soient les événements qui ont conduit à cet état. Un diagnostic permanent permet, si l’état se dégrade, d’abandonner la procédure en cours et d’en appliquer une autre, plus adaptée.
Contrôler, communiquer, informer
De son côté, l’ASN participe à la gestion des situations d’urgence. Elle vérifie et s’assure qu’EDF maîtrise l’incident et en limite les conséquences.
L’ASN apporte son concours au gouvernement et communique au préfet son avis sur les mesures à prendre pour assurer la protection de la population. Ainsi le préfet pourra prendre les décisions de protection sanitaire les plus appropriées. Il demandera par exemple aux riverains de rester chez eux, dans une pièce calfeutrée, le temps que la situation se stabilise.
L’ASN informe également les médias et le public sur l’événement en cours, en coordination avec les autres acteurs, comme le préfet ou l’exploitant. Elle fournit tous les renseignements utiles au Gouvernement ainsi qu’aux Autorités de sûreté nucléaire des pays frontaliers.
Un centre d’urgence sécurisé
Pour mener à bien ses missions, l’ASN dispose de son propre centre d’urgence relié aux installations nucléaires par des lignes dédiées sécurisées. Il lui permet d’alerter rapidement ses agents et d’échanger des informations avec ses interlocuteurs (exploitant, services de l’Etat, Commission européenne, etc.) de la manière la plus fiable.
Le centre d’urgence a été activé en conditions réelles à plusieurs reprises ces dernière années : par exemple en 1999, lorsque la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) a été inondée lors d’une des deux « grandes tempêtes » de décembre. Ou encore en 2007, à l’occasion d’une panne électrique survenue dans la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly (Loiret). Plus récemment, le centre d’urgence a été gréé :
en 2012 : contamination quai Claude Bernard à Lyon ;
en 2013 : entrée de manifestants Greenpeace (centrale nucléaire du Tricastin) ;
en 2014 : entrée de manifestants Greenpeace (centrale nucléaire de Fessenheim) ;
en 2015 : ouverture d’une vanne (centrale nucléaire de Cattenom) ;
en 2016, aucun événement réel n'a donné lieu au gréément du centre d'urgence national.
En 2021, le centre d'urgence national a été gréé à neuf reprises, pour sept exercices nationaux, un exercice majeur (SECNUC) et un exercice international. Le centre d’urgence est utilisé à l’occasion d’exercices pour vérifier que l'organisation de l'ASN et des pouvoirs publics est adaptée à tous les scénarii de crise. En outre, l'organisation de crise de l'ASN a été partiellement activée à plusieurs reprises en 2021 (4-5 avril, Paluel ; fonderie de l'usine de la société LME de Trith-Saint-Léger (59) en octobre 2021).
En 2018, le déploiement d'un dispositif d'astreinte a permis de renforcer la robustesse et la réactivité de mobilisation et d'intervention des agents de l'ASN.
Périodes de maintenance
Les réacteurs doivent être arrêtés périodiquement pour, d’une part, renouveler leur combustible qui s’épuise progressivement pendant le cycle de fonctionnement, et, d’autre part, pour réaliser des opérations de contrôle, de maintenance ainsi que pour mettre en œuvre les modifications programmées de l’installation. Certaines parties de l’installation habituellement inaccessibles peuvent alors être inspectées pendant quelques semaines. Tous les 10 ans, les réacteurs sont également arrêtés pour une visite approfondie, la visite décennale, qui permet de réaliser un bilan exhaustif de l’installation. Dans l’un et l’autre cas, l’ASN donne son accord au redémarrage du réacteur.
L'arrêt automatique du réacteur
L’arrêt automatique du réacteur permet de protéger le réacteur dans certaines situations. Il est déclenché automatiquement quand certains seuils sont atteints. Il conduit, en quelques secondes, à la chute des grappes absorbantes de neutrons dans le cœur et donc à l’arrêt de la réaction en chaîne. Il est important pour la sûreté que cet arrêt automatique fonctionne. Il contribue à gérer la plupart des situations incidentelles et accidentelles. L’arrêt automatique du réacteur conduit à des transitoires thermo-hydrauliques dans la chaudière nucléaire, qui sont prévus lors de sa conception.
Les agressions naturelles
La sûreté des centrales nucléaires doit être garantie en toutes circonstances, même lorsque les conditions naturelles se dégradent.
Séismes
Les bâtiments et matériels nécessaires aux trois fonctions fondamentales de sûreté – confinement, refroidissement et évacuation de la puissance résiduelle, maîtrise de la réactivité – des centrales nucléaires ont été conçus pour assurer ces fonctions pour les plus forts séismes survenus dans la région du site. Mais les exigences en la matière font l’objet de révisions régulières en fonction de l’avancée des connaissances. Le niveau de séisme à prendre en compte pour les centrales nucléaires est régulièrement réévalué notamment lors des réexamens périodiques de sûreté.
Des études peuvent être menées dans le cadre des réexamens périodiques pour vérifier si les matériels et les structures existants doivent être modifiés pour répondre aux nouvelles exigences.
Inondations
En 1999, certaines parties de la centrale du Blayais (bâtiment combustible, station de pompage) ont été envahies par les eaux à l’occasion d’une des « grandes tempêtes » du mois de décembre. A la suite de ces évènements, EDF a réévalué le risque d’inondation ainsi que les moyens de protection contre ce risque dans ses centrales nucléaires. Les exigences vis-à-vis du risque d’inondation comme les pluies de forte intensité, les ruptures de barrage ou les remontées de nappe phréatique ont ainsi été renforcées. Les travaux à mener pour améliorer la protection de chaque site ont été réalisés.
Canicule et sécheresse
Conséquence de la canicule de l’été 2003 et des grandes chaleurs de l’été 2006, de nombreux cours d’eau en France ont vu leur débit se réduire considérablement tandis que leur température s’élevait. Elles ont également entraîné des températures élevées de l’air, provocant une augmentation de la température dans les locaux des centrales nucléaires. Les grandes chaleurs du mois de juillet 2006 ont également conduit à une élévation de la température de certains cours d’eau au-delà des valeurs rencontrées historiquement. Or, plusieurs centrales nucléaires dépendent de cours d’eau avoisinants pour leur refroidissement. Avec ces canicules, certaines limites, jusqu’alors prises en compte pour le fonctionnement et l’exploitation des réacteurs, ont été atteintes. EDF a ainsi dû concilier le maintien de la production électrique et le respect de l’environnement. Certaines centrales ont en effet rejeté une eau dont la température était légèrement plus élevée que prévu dans les cours d’eau.
Afin de mieux répondre au risque de canicule et de sécheresse, EDF a réexaminé le fonctionnement des installations dans des conditions de températures plus élevées que celles retenues à la conception. EDF a déjà réagi en augmentant la capacité de certains échangeurs thermiques.
Le fonctionnement des réacteurs nucléaires pendant les périodes de canicule est pris en compte dans leur démonstration de sûreté. Les températures considérées sont régulièrement réévaluées, notamment à l’occasion des réexamens périodiques (tous les dix ans), pour prendre en compte les évolutions climatiques.
Une période de canicule a trois conséquences principales sur le fonctionnement des réacteurs nucléaires.
Le fonctionnement des systèmes de sûreté en période de canicule
Le bon fonctionnement des équipements contribuant à la sûreté des réacteurs nucléaires est validé jusqu’à une certaine température ambiante. Des équipements de ventilation et de climatisation sont nécessaires pour que cette température ne soit pas dépassée.
Depuis les canicules de 2003 et 2006, EDF a renforcé les capacités des dispositifs de ventilation et de climatisation des locaux dans lesquels sont situés les systèmes de sûreté. Ces dispositifs font l’objet d’actions préventives d’entretien, de contrôle et de maintenance, de façon à ce qu’ils soient opérationnels en cas de canicule. Les règles générales d’exploitation des réacteurs prévoient les conduites à tenir en cas de défaillance de ces équipements. Ces conduites requièrent, en cas de besoin, la mise en œuvre de mesures spécifiques, voire l’arrêt du réacteur.
En complément, EDF adapte, entre avril et octobre de chaque année, le suivi de la situation et le niveau de mobilisation de ses équipes sur le sujet en fonction des prévisions météorologiques.
Le refroidissement du réacteur et la gestion des effluents en cas de sécheresse et d’étiage
Les réacteurs nucléaires doivent être refroidis en permanence pour assurer leur sûreté. À cette fin, de l’eau est prélevée dans un cours d’eau ou dans la mer.
Une période de sécheresse peut conduire à une baisse du niveau du cours d’eau et de son débit. L’exploitant doit s’assurer en permanence que les paramètres correspondants restent suffisants pour refroidir les systèmes de sûreté. Ces paramètres sont spécifiques à chaque centrale nucléaire.
Le débit du cours d’eau affecte également la dispersion des effluents liquides issus des réacteurs nucléaires. L’ASN a fixé, pour chaque centrale, une valeur minimale du débit du cours d’eau pour laquelle les rejets d’effluents peuvent être réalisés. En deçà de ce débit (situation d’étiage), les opérations de rejet d’effluents sont interdites et l’exploitant doit entreposer les effluents produits.
La maîtrise des rejets thermiques
L’eau prélevée dans les cours d’eau ou dans la mer pour refroidir le réacteur est, de manière générale, rejetée à une température plus élevée, soit directement, soit après refroidissement dans des tours aéroréfrigérantes permettant une évacuation partielle de la chaleur dans l’atmosphère.
Dans le cas des centrales nucléaires utilisant un cours d’eau, l’ASN a défini, pour chaque site, les conditions de rejet de l’eau utilisée pour le refroidissement. Afin de préserver l’environnement, notamment l’écosystème, l’échauffement du cours d’eau dû au fonctionnement de la centrale nucléaire, ainsi que la température de l’eau à son aval sont encadrés par des valeurs limites. En cas de dépassement des valeurs limites, l’exploitant doit réduire la puissance du réacteur ou l’arrêter. C’est pour cette raison que le réacteur 2 de la centrale de Golfech a été arrêté le 31 juillet dernier.
Depuis 2006, l’ASN a intégré dans les décisions encadrant les rejets des centrales nucléaires des dispositions visant à définir à l’avance les modalités de fonctionnement des centrales nucléaires dans des conditions climatiques exceptionnelles conduisant à un échauffement significatif des cours d’eau. Ces dispositions particulières ne sont néanmoins applicables que si la sécurité du réseau électrique est en jeu. Un assouplissement temporaire des valeurs limites des rejets thermiques peut aussi être autorisé par l’ASN, à la demande d’EDF, en cas de besoin du réseau électrique, comme cela a été le cas durant les épisodes caniculaires des étés 2003 et 2006. Dans ce cas, la surveillance de l’environnement est renforcée.
Radioprotection et protection de l'environnement
Au cours de leurs travaux dans les centrales nucléaires, certains personnels sont exposés à une faible radioactivité résiduelle, tout particulièrement à l’occasion des opérations de maintenance réalisées lors d’arrêts de réacteur. Si elles se répétaient trop souvent et de manière trop significatives, ces expositions pourraient entraîner des problèmes de santé. C’est pourquoi la réglementation fixe des limites d’exposition et chaque travailleur est muni de systèmes lui permettant de connaître les doses qu’il a reçues quotidiennement et au cours de l’année passée.
Depuis plus de 10 ans, EDF a mis en place une démarche de progrès visant à améliorer la radioprotection des personnels dans les centrales nucléaires. Une démarche qui porte ses fruits : les doses de rayonnement qu’ils ont reçues n’ont cessé de diminuer au cours de cette période aux niveaux collectif et individuel. La dose collective moyenne reçue par les travailleurs, salariés d’EDF ou d’entreprises prestataires et sous-traitantes, de chaque réacteur – déjà bien inférieure en moyenne aux doses limites fixées par la réglementation - a ainsi baissé de 50% au cours de la décennie passée.
Les plans d’action lancés par EDF, qui prennent de plus en plus en compte les facteurs organisationnels et humains, sont appropriés. EDF a par exemple lancé d’utiles études consacrées aux missions en radioprotection des personnels chargés de surveillance ou chargés de travaux.
Les rejets
Comme toutes les autres industries, les activités nucléaires génèrent diverses substances, qu’elles soient radioactives ou non. Lorsque leurs caractéristiques le permettent – elles ne doivent en particulier porter atteinte ni à la santé des personnes ni à la qualité de l’environnement -, ces sous-produits sont relâchés dans l’environnement sous forme liquide ou gazeuse. On parle alors de « rejets ». Les substances libérées proviennent par exemple des circuits d’épuration et de filtration qui collectent une partie des éléments radioactifs générés dans les centrales nucléaires. Bien sûr, l’exploitant est tenu de réduire l’impact de ces rejets, notamment radioactifs, à des valeurs aussi basses que possible.
Chaque mois, l’exploitant communique à l’ASN ses résultats en matière de rejets. Depuis plusieurs années, les relevés indiquent que ceux-ci sont en constante diminution. Par exemple, la quantité de certains rejets liquides de la centrale de Flamanville en éléments radioactifs ont diminué d’un facteur 100 en 17 ans. Il s’agit de rejets d’éléments (autres que le tritium et le carbone 14) dont la radioactivité est passée de 151 à 1,2 GigaBecquerel – une unité qui mesure la radioactivité - entre 1986 et 2003.
La réglementation se durcit
Prenant acte des progrès réalisés, l’ASN a décidé depuis le début des années 2000 de réduire les quantités d’effluents que les centrales nucléaires sont autorisées à rejeter. Les « valeurs limites » concernant les réacteurs de 900 et 1300 Mégawatts ont par exemple été divisées d’un facteur quarante pour certaines substances. Ces limites ont en revanche été accrues d’un facteur 1,25 pour les rejets en tritium liquide – une substance radioactive produite par les réacteurs nucléaires- afin de permettre à EDF de modifier sa gestion du combustible nucléaire.
Les centrales nucléaires diffusent également de la chaleur dans l’environnement. Lorsque ces rejets thermiques se font dans les cours d’eau, ceux-ci voient leur température s’élever localement de quelques degrés, ce qui, en l’absence de limitation de ces rejets, peut nuire à la faune, notamment aux espèces de poissons présentes. Là encore, ces rejets sont réglementés.
Les déchets radioactifs
En matière d’activités nucléaires, l’exigence est toujours la même : limiter autant que possible le volume et la nocivité des déchets radioactifs. Mais il paraît utopique d’espérer réduire à zéro la production de ces substances émettrices de rayonnements devenues inutilisables et potentiellement dangereux pour la santé publique ou l’environnement. C’est pourquoi des filières de gestion qui organisent le tri de ces déchets, leur traitement, leur conditionnement, leur entreposage provisoire ou leur stockage définitif, se sont mises en place ou sont en cours d’achèvement.
Pour évaluer le risque radiologique associé à un déchet, il faut prendre en compte sa radioactivité, c’est-à-dire la quantité de rayonnement qu’il émet, mais également sa durée de vie, c’est-à-dire la période de temps pendant laquelle il est capable de rayonner. Car la radioactivité d’une substance décroit avec le temps. La loi « déchets » distingue les déchets de très faible, faible, moyenne et haute activité, ainsi que ceux de très courte durée de vie (pour lesquels la radioactivité est divisée par deux en moins de cent jours), de courte durée de vie (en moins de 30 ans) et de longue durée de vie (en plus de 30 ans).
Les déchets d’EDF
Les déchets produits par les centrales nucléaires d’EDF sont de différents types : les déchets activés dans les cœurs des réacteurs et les déchets résultant de l’exploitation et de l’entretien des centrales nucléaires. À cela s’ajoutent les déchets anciens et les déchets issus de la déconstruction des centrales nucléaires en cours de démantèlement.
EDF est propriétaire des déchets produits dans ses centrales nucléaires. Il est à noter qu’EDF est également propriétaire de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue issus des combustibles usés, après traitement dans l’usine Orano de La Hague, dans la Manche, pour la part qui lui revient.
Certains déchets, par exemple de faible activité et à vie longue, sont entreposés dans des silos semi-enterrés à Saint-Laurent-des-eaux, dans le Loir-et-Cher.
D’autres, de moyenne activité et à vie longue, issus notamment du démantèlement de centrales nucléaires ou de l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée, seront entreposés dans une installation spécialisée au Bugey, dans l’Ain, dans l’attente de leur stockage.
Enfin, les déchets de haute activité et à vie longue, obtenus après traitement des combustibles usés dans l’usine Orano de La Hague, dans la Manche, y sont entreposés dans l’attente de leur stockage.
Informer le public
Depuis 2006, la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « TSN »), indique que la transparence la plus grande s’impose aux activités nucléaires. Dans son premier article, elle garantit « le droit du public à une information fiable et accessible ». L’ASN qui, précise ce texte, « participe (…) à l’information du public », lance notamment des actions de communication à destination de toutes les personnes concernées, aussi bien le grand public, que les médias, élus, parlementaires, associations, membres des Commissions locales d’information (CLI), etc.
Toucher le plus grand nombre
Internet constitue un excellent moyen de s’adresser au public le plus large. Sur le présent site, l’internaute trouvera par exemple le résultat des inspections menées par l’ASN dans les installations nucléaires de base (dont font partie les centrales nucléaires), les avis d’information qu’elle a publiés sur les arrêts des réacteurs d’EDF ou encore les déclarations des événements significatifs (avis d’incidents).
Chaque année l’ASN publie un « Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France ». Ce document, accessible à tous, dresse un état des évolutions et des difficultés constatées au sein des organismes contrôlés par l’ASN. Par ailleurs, elle publie la revue « Contrôle », magazine qui développe, tous les deux mois, un grand dossier thématique et présente l’actualité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en régions.
L’ASN s’adresse également au public à travers les médias nationaux et internationaux ainsi que son site Internet. Chaque année, elle répond aux sollicitations des journalistes et organise une vingtaine de conférences de presse. Lors d’incidents sur une installation, elle diffuse des communiqués précisant les raisons et les conséquences de chaque événement, ainsi que les actions demandés à l’exploitant pour remédier à la situation.
Comment améliorer la sûreté ?
Chaque jour, EDF réalise une surveillance de ses installations à la demande de l’ASN, bien sûr, mais également de sa propre initiative. EDF cultive en effet une "culture interrogative" qui le conduit à rechercher les anomalies par lui-même. A ces anomalies, découvertes parce qu’on les a cherchées, s’ajoutent les événements qui surviennent de façon inopinée.
Chaque « événement significatif », doit être déclaré à l’ASN. En retour, celle-ci s’assure que tous ceux qui ont un impact sur la sûreté nucléaire, la radioprotection et la protection de l’environnement, soient corrigés dans des délais acceptables. Plus un problème porte atteinte à la sûreté d’une centrale nucléaire, plus il doit être traité rapidement. Si elle le juge nécessaire, l’ASN peut exiger la mise à l’arrêt de l’installation en cause tant que la réparation n’est pas effectuée.
Éviter que les anomalies se reproduisent
L’ASN examine périodiquement l’ensemble des événements significatifs déclarés par EDF qui transmet à l’ASN dans le deux mois une analyse détaillée des causes de l’événement ainsi que la liste des actions correctives mises en œuvre. C’est ce qu’on appelle le retour d’expérience. L’ASN peut également faire procéder à une analyse approfondie et indépendante par son appui technique pour les événements significatifs les plus notables : ceux qui paraissent les plus marquants, ceux qui ont tendance à se répéter ou ceux qui touchent l’ensemble des centrales nucléaires.
L’ASN examine la manière dont l’exploitant prend en compte les anomalies détectées et met en œuvre le retour d’expérience. Elle veille également à ce qu’EDF tire les enseignements des événements significatifs survenus à l’étranger.
Les réexamens de sûreté
Les réexamens de sûreté constituent l’une des pierres angulaires de la politique de contrôle de l’ASN. Il s’agit notamment pour l’exploitant de mettre en œuvre des contrôles en profondeur et des modifications matérielles sur chaque réacteur à l’occasion des visites décennales.
Grâce à ces visites décennales, l’ASN amène l’exploitant à maintenir le niveau de sûreté des installations, mais également à l’améliorer. Dans un premier temps, l’exploitant évalue la conformité du réacteur et s’assure ainsi qu’il respecte bien la réglementation et les exigences de sûreté définies par les concepteurs (appelé « référentiel de sûreté »).
La sûreté monte d’un cran
Au cours de ces réexamens, la sûreté des installations est comparée aux standards les plus récents, que l’on rencontre sur les installations neuves. Ainsi peut-on identifier les modifications qui permettront d’améliorer le niveau de sûreté de la centrale nucléaire et seront mises en œuvre au cours des visites décennales des réacteurs.
En 2006, par exemple, le réexamen de sûreté des réacteurs de 1300 MégaWatt (comme ceux de Flamanville et Paluel) effectué à l’occasion de leurs 20 ans d’exploitation, a montré que leur état était satisfaisant. Aussi l’ASN a été favorable à la poursuite de leur exploitation pour dix nouvelles années. Mais l’ASN a également décidé que certaines modifications devaient leur être apportées afin, par exemple, de sécuriser certaines opérations de manutention lors des arrêts de réacteur pour rechargement de combustible.
Les facteurs organisationnels et humains
Longtemps, l’homme a été considéré comme le point faible de la sûreté des centrales nucléaires, celui par qui arrivaient les défaillances techniques. Mais cette vision a évolué. Au niveau international, on considère aujourd’hui que les exploitants des centrales nucléaires doivent s’appuyer sur les personnels - sur leurs capacités d’adaptation, d’interrogation et de réaction face aux situations imprévues - afin d’en faire un maillon essentiel de la sûreté.
Cela suppose que soient pris en compte tous les facteurs organisationnels et humains : capacités, limites et compétences des agents, fonctionnement des équipes de travail, procédures d’exploitation, contraintes liées à l’environnement de travail, etc.
Des compétences pour garantir la sûreté
Pour des activités à risque comme c’est le cas dans une centrale nucléaire, la mise en place de dispositif de gestion des compétences s’avère indispensable pour assurer que l’exploitant dispose à tout moment des compétences appropriées et en nombre suffisant.
Il est de la responsabilité de l’exploitant de s’organiser pour assurer la gestion de ses compétences. L’ASN considère toutefois qu’un tel dispositif doit permettre la gestion des compétences dans son ensemble, depuis l’identification des compétences nécessaires à la réalisation des activités jusqu’à l’évaluation des compétences mises en œuvre, en passant par la détermination des besoins et la réalisation d’actions appropriées en termes de formation, d’entraînement, de recrutement ou de recours à la sous-traitance. De plus, le système de gestion doit permettre à l’exploitant d’anticiper le renouvellement des compétences de façon à garantir que les compétences nécessaires seront disponibles à tout moment quelque soit le volume des départs.
Au niveau international, la démarche de gestion des compétences proposée par l’AIEA repose sur une « approche systématique de la formation » présentée comme un processus en cinq étapes doté d’une boucle d’amélioration continue, depuis l’analyse des tâches et des besoins de formation jusqu’à l’évaluation des formations et le contrôle régulier des compétences. Entre autres, l’AIEA souligne la nécessité de développer des compétences non techniques (travail en équipe, communication, culture de sûreté...) et ce, pas seulement pour les managers mais pour tout le personnel impliqué.
Les sous-traitants sont concernés
Tous ces efforts manqueraient leur cible - renforcer la sûreté des centrales nucléaires en s’appuyant sur les hommes - si les prestataires n’y étaient également associés. En effet, EDF fait appel à un grand nombre de prestataires, environ 20 000 intervenants, en particulier pour les opérations de maintenance de ses réacteurs. Pour s’assurer que leur travail s’effectue conformément aux règles en vigueur, EDF a mis en place un système de qualification. Il consiste notamment en une évaluation du savoir-faire technique des prestataires. EDF exerce également une surveillance des activités effectuées par les sous- traitants et s’assure qu’ils conservent leurs compétences au fil du temps.
L’inspection du travail
En 2006, la loi TSN a confié à l’ASN les missions d’inspection du travail dans les centrales nucléaires. L’ASN est depuis en charge du contrôle des conditions de travail des salariés d’EDF, mais également celles de ses prestataires et des sous-traitants.
Il revient donc aux inspecteurs de l’ASN d’assurer le contrôle du respect de la réglementation, d’enquêter sur les accidents du travail, de s’assurer que l’exploitant agit de manière à les éviter. Il leur appartient également d’identifier et de prévenir les conflits sociaux.
A long terme, un climat de tension sociale est de nature à entraîner une détérioration de la sûreté des installations. En participant régulièrement aux réunions des CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les inspecteurs du travail de l’ASN prennent connaissance du climat de travail dans les centrales nucléaires et des éventuels conflits latents ou déclarés. Il leur arrive à présent d’être sollicités pour jouer un rôle de médiateur entre le personnel et l’encadrement des sites.
Vieillissement et démantèlement
L’ASN s’assure qu’EDF étudie le vieillissement des centrales nucléaires et se met en position de réagir si les matériels et systèmes se dégradent au cours du temps. Certains éléments, comme la cuve des réacteurs contenant le combustible nucléaire, font l’objet d’une surveillance toute particulière car ils ne peuvent être remplacés.
Dans la pratique, un examen approfondi de chaque réacteur est réalisé tous les dix ans afin, notamment, d’évaluer son vieillissement. Ce « réexamen de sûreté » (pour en savoir plus, voyez la partie « Le réexamen de sûreté » est l’occasion, pour l’ASN, de s’assurer que l’installation est en mesure de fonctionner dans de bonnes conditions pour dix nouvelles années. Bien sûr, l’ASN peut demander des contrôles intermédiaires avant cette échéance.
Fin 2021, 35 installations nucléaires, de tout type (réacteurs de production d'électricité ou de recherche, laboratoires, usine de retraitement de combustible, installations de traitement des déchets, etc.) étaient arrêtées ou en cours de démantèlement en France. La prise en compte de la sûreté et de la radioprotection des opérations de démantèlement de ces installations constitue un enjeu majeur pour l'ASN.
Sur le plan strictement réglementaire, les autorisations d’exploiter les centrales nucléaires ne sont pas limitées dans le temps.
Les réacteurs du futur
Pour l’ASN, la sûreté des centrales nucléaires françaises est satisfaisante. Mais la prochaine génération de réacteurs électronucléaires doit atteindre un niveau de sûreté encore supérieur.
Le réacteur EPR (Evolutionnary Pressurized water Reactor) est un nouveau type de réacteur nucléaire, dont un modèle à Flamanville, dans la Manche. Si sa technologie diffère peu de celle des réacteurs les plus récents, il bénéficie néanmoins de plusieurs améliorations notables.
Un réacteur conçu pour être plus sûr
Par exemple, il comprend quatre systèmes destinés à assurer le refroidissement du réacteur en cas d’accident. Ces quatre systèmes sont indépendants, séparés géographiquement et protégés individuellement, chacun étant capable d’assurer seul l’intégralité de la fonction de sûreté. Un dispositif inédit, baptisé « récupérateur de corium », a été conçu pour recueillir le cœur radioactif au cas où celui-ci viendrait à fondre – accident le plus grave qu’une centrale nucléaire puisse connaître. Et l’enceinte en béton qui contient le réacteur a été renforcée par une coque en béton de manière à le protéger plus efficacement contre les agressions externes, une chute d’avion, par exemple.
Avec l’EPR, le nombre d’évènements significatifs annuels doit diminuer, notamment par l’amélioration de la fiabilité des systèmes et par une meilleure prise en compte des aspects liés aux facteurs humains. Ses concepteurs ont fait en sorte que le risque de fusion du cœur soit réduit par rapport aux réacteurs précédents, de même que la quantité de rejets radioactifs en cas d’accident.
Avec l’EPR, la radioprotection des personnels d’exploitation et de maintenance est également renforcée. L’objectif est que la dose collective reste voisine de 0,4 homme x Sievert par réacteur et par an. Cette valeur est largement inférieure à la dose moyenne actuelle de 1 homme x Sievert observée dans les centrales nucléaires du parc nucléaire français. Ce niveau de dose collective de 1 homme x Sievert correspond, pour les travailleurs, à des doses individuelles en moyenne de l’ordre de 5 milliSievert par an.
Et après ? Les ingénieurs du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), entre autres, mettent actuellement au point les technologies qui permettront de passer à une nouvelle génération de réacteurs, la Génération IV, reposant sur des principes innovants. Mais l’ASN considère qu’il est aujourd’hui prématuré de chercher à définir les objectifs de sûreté qu’ils devront atteindre. Leur mise en œuvre n’est en effet pas prévue avant 2030 - au plus tôt.
Les "Petits réacteurs modulaires" ("Small Modular Reactors")
Plusieurs projets de « petits réacteurs modulaires » (SMR, Small Modular Reactors) sont en cours de développement dans le monde. Il s’agit de réacteurs d’une puissance inférieure à 300 MWe, fabriqués en usine et livrés sur leur site d’implantation. Un projet de SMR français réunissant EDF, Technicatome, le CEA et Naval Group est actuellement au stade des études préliminaires. L’ASN considère que ces projets constituent des opportunités de développer des réacteurs présentant des améliorations significatives en matière de sûreté nucléaire.
Pour en savoir plus sur les petits réacteurs modulaires et le contrôle de l'ASN :
L’ASN est chargée du contrôle de toutes les installations nucléaires françaises. De nombreux projets de petits réacteurs modulaires (PRM), aussi connus sous leur nom anglais small modular reactors (SMR) , sont en cours de développement dans le monde. Face aux enjeux de développement en France de ces réacteurs nucléaires, l’ASN a mis en place une organisation pour l’instruction des projets sur le territoire français.
Recherche scientifique
La recherche scientifique constitue l’une des clés pour faire progresser la sûreté nucléaire et la radioprotection. Grâce à elle émergent de nouvelles solutions techniques qui offrent un meilleur degré de protection contre les anomalies. Elle permet également de mieux comprendre et apprécier la gravité des risques associés à l’exploitation des centrales nucléaires.
Naturellement, l’ASN se tient informée des résultats des études scientifiques réalisées à l’étranger. Elle est également attentive au effort de recherche d’EDF. Le budget consacré par le producteur d’électricité français dans ce domaine reste à un niveau élevé.
EDF s’intéresse par exemple à la question de la durée de vie des réacteurs, poussée en cela par son souhait de poursuivre leur exploitation au-delà des durées de vie prévues au moment de leur conception. L’entreprise a par exemple entrepris des recherches sur le vieillissement des matériaux afin de mieux comprendre la manière dont se dégrade l’acier des cuves contenant le cœur radioactif des réacteurs.
Coopération internationale
Pour s’assurer de toujours mettre en œuvre les meilleures pratiques possibles, l’ASN et les autres Autorités de sûreté nucléaire dans le monde confrontent leurs expériences au cours de réunions de travail.
Échanges autour des réacteurs de 3ème génération (EPR)
Les relations sont particulièrement poussées avec STUK, l’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise. L’ASN comme STUK sont en effet concernées par l’EPR dont deux exemplaires sont actuellement en cours de construction, l’un à Flamanville, dans la Manche, l’autre sur le site d’Olkiluoto en Finlande. Cette coopération s’est ouverte en 2006 à la NRC, l’Autorité de la sûreté nucléaire aux Etats-Unis, territoire sur lequel des EPR pourraient également être bâtis.
Cette coopération tripartite (France - Finlande - Etats-Unis) s’est ouverte à d’autres pays dans le cadre du programme MDEP (Multinational Design Evaluation Program). Cette initiative a été mise en place pour permettre aux participants de partager leurs connaissances sur les futurs réacteurs nucléaires.