Publication de trois décrets renforçant la protection du public, des patients et des travailleurs dans le domaine des activités nucléaires
Note d'information
Le 05 juin 2018, deux décrets relatifs à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants et un décret portant diverses dispositions en matière nucléaire ont été publiés au Journal officiel. Ces décrets assurent notamment la transposition de la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants. Ils modifient en particulier les parties réglementaires des codes du travail, de la santé publique, de l’environnement et de la défense[1], et complètent ainsi l’encadrement réglementaire de certaines activités nucléaires.
Une mise à jour du régime de protection des travailleurs
Les dispositions du chapitre Ier du titre V du livre IV de la quatrième partie du code du travail ont été entièrement revues. Les articles R. 4451-1 à R. 4451-135 du code du travail ainsi modifiés mettent à jour le régime de radioprotection pour l’ensemble des travailleurs susceptibles d’être exposés aux rayonnements ionisants dans le cadre de leur activité professionnelle. Les évolutions ne se limitent pas à la transposition des nouvelles dispositions de la directive du 5 décembre 2013 mais proposent également une simplification des dispositions existantes. En particulier, il a été retenu de mieux graduer les exigences en fonction des risques encourus par les travailleurs mais aussi de rapprocher la démarche applicable au risque « rayonnements ionisants » de celles suivies pour les autres risques professionnels.
Les principales évolutions de ces deux premiers décrets concernent :
- Les limites réglementaires : la limite d’exposition du cristallin est réduite à 20 mSv/an (au lieu de 150 mSv/an), avec toutefois une période transitoire de mise en place sur cinq ans. Cette évolution renforce la mise en œuvre du principe d’optimisation, notamment en milieu médical pour les pratiques interventionnelles radioguidées ;
- L’évaluation des risques par l’employeur, qui constitue un préalable pour déterminer les moyens de prévention (dispositions de protection collectives et individuelles, etc.) ;
- L’organisation de la radioprotection qui repose désormais sur la désignation d’un « conseiller en radioprotection », lequel pourra être, selon le choix de l’employeur soit la personne compétente en radioprotection, soit un organisme compétent en radioprotection (OCR) certifié. Au-delà de la mission de conseil en matière de protection des travailleurs, les missions de la PCR et de l’OCR seront étendues aux questions de protection de la population et de l’environnement ; de plus, la PCR ou l’OCR pourront réaliser à la demande de l’employeur certaines vérifications techniques internes confiées auparavant aux organismes de contrôle technique agréés par l’ASN ;
- Les vérifications techniques externes qui seront désormais confiées à des organismes accrédités.
- L’agrément des organismes de dosimétrie des travailleurs, délivré par l’ASN, est supprimé au profit d’une accréditation par le COFRAC. Les agréments actuellement délivrés par l’ASN continuent d’être valides jusqu’au 1er juillet 2020.
- Le contrôle des expositions au radon est étendu à tous les lieux de travail : en sous-sol et rez-de-chaussée alors que seuls les milieux souterrains étaient soumis auparavant à une surveillance obligatoire. Le niveau de référence pour le radon en milieu de travail est abaissé à 300 becquerels (Bq)/m3 au lieu de 400 Bq/m3 en valeur moyenne annuelle. En cas d’exposition des travailleurs dépassant 6 mSv/an, l’employeur devra mettre en place une organisation de la radioprotection, un zonage « radon », une surveillance individuelle dosimétrique des travailleurs et un suivi « renforcé » de leur état de santé par un médecin du travail.
Une protection renforcée de la population et des patients
Le décret portant diverses dispositions en matière nucléaire modifie entièrement le chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique (articles R. 1333-1 à 175). Il comporte de nouvelles dispositions qui renforcent la protection générale de la population et des personnes exposées à des fins médicales.
Ces nouvelles dispositions ne se limitent pas, là non plus, à la transposition des dispositions de la directive du 5 décembre 2013, mais créent des outils complémentaires permettant de renforcer l’efficacité du contrôle des activités nucléaires : la possibilité d’instituer des servitudes d’utilité publique applicables sur les sites pollués par des substances radioactives et le contrôle de la protection de certaines sources de rayonnements ionisants (notamment celles utilisées en milieu industriel) contre les actes de malveillance.
Les principales évolutions concernent :
- le renforcement de la mise en œuvre des principes de justification et d’optimisation pour la mise en œuvre de pratiques employant des rayonnements ionisants, notamment en introduisant les notions de « contrainte de dose » et de « niveau de référence ». Ces valeurs constituent des « repères » dans la démarche d’optimisation.
- Les procédures administratives concernant la protection des sources contre les actes de malveillance (« sécurité des sources ») sont précisées, avec la répartition des compétences entre autorités.
- Le régime applicable aux activités du nucléaire de proximité (applications médicales, vétérinaires, industrielles et de recherche) est rénové : 3 régimes administratifs applicables aux activités nucléaires sont maintenant définis (déclaration, enregistrement, autorisation), qui vont permettre une approche plus graduée en fonction des enjeux. Cette évolution ouvre la voie à une simplification administrative pour les activités nucléaires présentant des enjeux modérés.
- Les contrôles réalisés par les organismes agréés par l’ASN et effectués au titre du code de la santé publique sont maintenus, mais avec une nouvelle définition du périmètre de leur intervention : outre la vérification du respect des règles concernant la gestion des sources et la gestion des effluents et déchets, ces organismes seront chargés de vérifier les règles mises en place en matière de protection collective des travailleurs, de maintenance et de contrôle de qualité des dispositifs médicaux, et d’évaluation des doses délivrées aux patients lors d’un examen diagnostic médical.
- Le dispositif réglementaire concernant la radioprotection des patients mis en place progressivement depuis 2003 est conforté, avec des mises à jour en ce qui concerne la justification des actes médicaux, la formation des professionnels de santé à la protection des personnes exposées à des fins médicales et l’assurance de la qualité.
Pour les expositions aux rayonnements ionisants d’origine naturelle :
- Le niveau de référence de l’exposition annuelle, pour les expositions dues au radon, passe de 400 Bq/m3 à 300 Bq/m3 dans tous les lieux ouverts au public et la définition des zones prioritaires pour la mesure du radon est revue.
- Le cadre réglementaire applicable aux activités utilisant des matières premières contenant des « substances radioactives d’origine naturelle » ou SRON (substance contenant des radionucléides qui dépassent les seuils d’exemption figurant en annexe 2 du décret) est mis à jour ; pour la plupart, ces activités seront soumises au régime de déclaration des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE - rubrique 1716).
- Enfin, de nouvelles dispositions ont été introduites pour réglementer la radioactivité naturelle des matériaux de construction.
La publication de ces trois décrets permet donc la bonne transposition en droit français de la directive Euratom du 5 décembre 2013. Elle complète l’encadrement réglementaire de certaines activités nucléaires et elle ouvre la possibilité de simplifications concrètes pour les activités présentant le moins d’enjeux. La plupart des dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2018.
L’ASN poursuivra au cours des prochains mois le travail de fond avec le gouvernement et les professionnels pour produire les arrêtés ministériels ou les décisions lui appartenant. Elle a déjà commencé à préparer certains de ces textes d’application, notamment pour élargir la liste des activités nucléaires éligibles à une simple déclaration auprès de l’administration.
Après avoir participé, dès 2008, à la préparation de la nouvelle directive 2013/59/Euratom, l’ASN a organisé en 2010 la consultation des parties prenantes sur la base du projet de directive publié par la Commission européenne (lien ASN). Puis, entre 2011 et 2013, dans le cadre des négociations au niveau européen, l’ASN a apporté un appui d’expert au gouvernement. Dès la publication de la directive, fin 2013, l’ASN, en appui des ministères de l’environnement, de la santé et du travail, a mis en place un comité de transposition et organisé plusieurs groupes de travail qui ont conduit à identifier et proposer les modifications nécessaires pour assurer pleinement la transposition de cette directive en droit français.
L’ASN a également rendu au gouvernement, en février 2017, trois avis sur les projets de décrets qui lui avaient été soumis. Ces avis étaient favorables aux projets de décret modifiant le code du travail, et favorables, avec quelques réserves, au projet modifiant le code de la santé publique et le code de l’environnement. La plupart des suggestions de l’ASN ont été intégrées dans les textes finalement adoptés.
En savoir plus
Décrets
Décret n° 2018-434 du 4 juin 2018 portant diverses dispositions en matière nucléaire
Décret n° 2018-437 du 4 juin 2018 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants
Décret n° 2018-438 du 4 juin 2018 relatif à la protection contre les risques dus aux rayonnements ionisants auxquels sont soumis certains travailleurs
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Avis de l'ASN
Consulter l’avis n° 2017-AV-0285 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 19 janvier 2017
Consulter l’avis n° 2017-AV-0286 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 2 février 2017
Consulter l’avis n° 2017-AV-0289 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 23 février 2017
Consulter l’avis n° 2015-AV-0238 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 10 septembre 2015
Consulter l’ordonnance de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi « TECV »)
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Consulter le chapitre 3 du rapport l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2017 où sont présentées les principales dispositions de la nouvelle réglementation.
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Actualités
Consulter le communiqué de presse du ministère du travail et la note d’information du ministère du travail sur la publication des deux décrets relatifs à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants
Consulter le communiqué de presse du ministre de la transition écologique et solidaire sur le décret portant diverses dispositions en matière nucléaire
Consulter la note d’information de l’ASN du 14 janvier 2014 relative à la publication de la nouvelle directive Euratom du 5 décembre 2013
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[1] Les parties législatives des codes avaient été modifiées avec la publication de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.
Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021