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LES CAHIERS DE L’ASN #06 AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE #06 • MAI 2024 LES DÉCHETS RADIOACTIFS Comment mettre en place des solutions pérennes qui protègent la santé et l’environnement ? Les déchets radioactifs sous surveillance De quels déchets parle-t-on ? Les enjeux pour demain L’information des publics HA VTC MA-VL FMA-VC FA-VL TFA

Sommaire LES DÉCHETS RADIOACTIFS SOUS SURVEILLANCE • Un cadre juridique exigeant 4 • Déchets radioactifs : qui agit, qui contrôle ? 6 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ? • Les différents types de déchets radioactifs 8 • Déchets radioactifs en France : les chiffres clés 10 • Les étapes de la gestion des déchets radioactifs 12 • Où sont les déchets radioactifs en France? 14 • Focus sur quelques installations dédiées au traitement, au conditionnement ou à l’entreposage des déchets radioactifs 18 LES ENJEUX POUR DEMAIN • Le cas des déchets radioactifs HA-MAVL 22 • Des pistes pour l’avenir 24 • La gestion des déchets radioactifs dans le monde 25 L’INFORMATION DES PUBLICS • Les Français et les déchets radioactifs 28 • Vos questions, nos réponses 30 GLOSSAIRE 34

Le nucléaire est une source majeure d’énergie dans de nombreux pays. En France, il représente plus de 70 % de la production totale d’électricité. Bien que la production électronucléaire soit faiblement émettrice de gaz à effet de serre, elle présente d’autres enjeux pour l’environnement tels que les déchets radioactifs. Certains déchets issus du retraitement des combustibles usés des centrales nucléaires restent dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Conscients de ce problème, les Français placent la gestion des déchets radioactifs en tête de leurs inquiétudes, devant le risque d’accident. Et une grande majorité d’entre eux souhaite que des solutions de gestion des déchets soient trouvées et mises en œuvre sans qu’elles soient à la charge des générations futures. Bien que certains déchets ne disposent pas encore d’une filière de gestion opérationnelle, la France dispose d’un cadre global et cohérent pour gérer tous les déchets, quels que soient leur producteur et leur nature, afin de garantir durablement la sûreté de leur gestion et la sécurisation du financement nécessaire. C’est le rôle de l’ASN de contrôler la bonne gestion des déchets radioactifs afin de protéger les personnes et l’environnement. Les déchets radioactifs • 3

Un cadre juridique exigeant Les déchets radioactifs sont l’objet d’une réglementation rigoureuse. La loi du 28 juin 2006 fixe les grands principes de leur gestion et le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR*) est l’outil de pilotage privilégié pour mettre en œuvre ces principes. Les grands principes de la gestion durable des matières et des déchets radioactifs en France sont énoncés dans la loi du 28 juin 2006 : ∙ Le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement dans la gestion durable des matières et des déchets radioactifs de toute nature doit être assuré. ∙ Un Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) est instauré pour mettre en œuvre les principes de la loi dans la durée (voir ci-contre). ∙ La disponibilité des fonds consacrés à la gestion à long terme des déchets radioactifs doit être garantie. À cet égard, les exploitants nucléaires doivent évaluer de manière prudente les charges de démantèlement de leurs installations et les charges de gestion de leurs déchets radioactifs. ∙ L’interdiction du stockage en France des déchets radioactifs étrangers est réaffirmée et les conditions du traitement* en France de combustibles usés* ou de déchets radioactifs étrangers, ainsi que la publicité liée à ces opérations, sont fixées de manière précise. ∙ Le stockage réversible (possibilité de retirer les déchets pendant un certain laps de temps) en formation géologique profonde est la solution de référence pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL). Le cadre législatif : fixer les principes et anticiper * Voir glossaire page 34 L’arrêté du 7 février 2012 dispose que tous les déchets produits au sein d’une installation nucléaire de base (INB) sont considérés, par précaution, comme radioactifs, et doivent être dirigés vers des filières* dédiées. Les producteurs de déchets radioactifs doivent les trier et en assurer le conditionnement*, dans des procédures strictes d’assurance qualité, en mettant en œuvre les meilleures technologies disponibles, et dans l’objectif de réduire leur quantité et leur nocivité. Ils assurent l’entreposage* des déchets et sont responsables de leur transport jusqu’aux centres de stockage*. Les producteurs sont donc responsables de la bonne gestion de leurs déchets jusqu’à leur évacuation vers un exutoire définitif. CE QUE DIT LA LOI 4 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 LES DÉCHETS RADIOACTIFS SOUS SURVEILLANCE

AU NIVEAU EUROPÉEN La directive européenne Euratom sur la gestion des déchets radioactifs (2011) contribue au renforcement de la sûreté au sein de l’Union européenne, en responsabilisant les États membres à l’égard de la gestion de leurs déchets radioactifs. AU NIVEAU INTERNATIONAL La Convention commune de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA*) sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs est un instrument international juridiquement contraignant, entré en vigueur le 18 juin 2001, qui traite, à l’échelle mondiale, de la sûreté de la gestion des déchets radioactifs. Les pays contractants (dont la France) s’engagent à appliquer des dispositions de sûreté strictes, à élaborer périodiquement un rapport national sur ces dispositions. Le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) Le PNGMDR a pour principaux objectifs de : ∙ dresser le bilan des modes de gestion existants des déchets radioactifs et des solutions techniques retenues ; ∙ recenser les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage et préciser les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage ; ∙ fixer les objectifs généraux à atteindre, les principales échéances et les calendriers permettant de respecter ces échéances ; ∙ fixer les objectifs à atteindre pour les déchets radioactifs pour lesquels un mode de gestion définitif n’a pas encore été déterminé ; ∙ organiser la mise en œuvre des recherches et études sur la gestion des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion, la création d’installations ou la modification des installations existantes. L’élaboration de la 5e édition du PNGMDR (2022-2026) a été précédée, pour la première fois, d’un débat public, qui s’est tenu en 2019. Le ministère chargé de l’énergie et l’ASN ont publié, le 21 février 2020, une décision conjointe consécutive à ce débat public, dans laquelle ont été précisées les grandes orientations du Plan. Elle insiste en particulier sur la poursuite de la mise en place de filières de gestion pour les déchets n’en disposant pas encore (déchets FA-VL et HA-MAVL), ainsi que sur l’optimisation des filières existantes, en particulier celle des déchets de très faible activité (TFA), qui devra gérer des déchets issus du démantèlement des installations nucléaires. Les déchets radioactifs • 5

* Voir glossaire page 34 Déchets radioactifs: qui agit, qui contrôle? Le ministère chargé de l’environnement élabore une politique et met en œuvre les décisions du Gouvernement relatives au secteur nucléaire civil. Sur le plan opérationnel, la gestion des déchets radioactifs est prise en charge par différents acteurs. LE GESTIONNAIRE À LONG TERME L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est un établissement public responsable de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France. Il est placé sous la tutelle des ministères chargés de la recherche, de l’industrie et de l’environnement. Ses missions sont de : • concevoir et mettre en œuvre des solutions de gestion pérennes pour toutes les catégories de déchets radioactifs, notamment les déchets de haute activité (HA), de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et de faible activité à vie longue (FA-VL) qui sont actuellement entreposés; • prendre en charge les déchets radioactifs issus du secteur électronucléaire, de la recherche, de la défense nationale, de l’industrie non-électronucléaire et du médical; • exploiter des centres de stockage* de déchets radioactifs dans le respect de la santé des personnes et de l’environnement. PARLEMENT ANDRA ASN LE CONTRÔLEUR ET SON APPUI TECHNIQUE L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) contrôle les producteurs de déchets et l’Andra; elle instruit les procédures d’autorisation des INB* liées à la gestion des déchets. Elle évalue régulièrement la stratégie de gestion des déchets de chacun des grands exploitants. Cette approche doit tenir compte des enjeux de sûreté, de radioprotection*, de minimisation du volume et de la nocivité des déchets. Dans le cadre de la mission générale d’appui technique aux autorités de sûreté, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) expertise la sûreté de l’ensemble des opérations associées à la gestion des déchets issus des INB. Son rôle consiste notamment à analyser l’ensemble des risques qui peuvent se poser, à court comme à très long terme, sur les installations de stockage actuelles ou futures. 6 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 LES DÉCHETS RADIOACTIFS SOUS SURVEILLANCE

LES EXPLOITANTS NUCLÉAIRES Les producteurs de déchets sont responsables de leurs déchets sur le plan technique et financier, et doivent présenter dans le cadre de l’étude d’impact sur l’environnement de leur installation, les déchets produits, qu’ils soient radioactifs ou non, ainsi que leur volume, leur nature, leur nocivité et les modes d’élimination envisagés. LE PARLEMENT L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) auditionne les acteurs de la gestion des matières et des déchets radioactifs et publie des rapports d’évaluation et des recommandations. La Direction générale du trésor et celle de l’énergie et du climat sont chargées de contrôler le financement des charges de long terme liées aux déchets radioactifs. La Commission nationale d’évaluation (CNE2) évalue annuellement l’état d’avancement et la qualité des recherches sur la gestion des matières et des déchets radioactifs. ACTEURS DU DEBAT EXPLOITANTS IRSN LES ACTEURS DU DÉBAT Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l’incidence de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. Les Commissions locales d’information (CLI) sont des structures d’information et de concertation mises en place auprès d’une INB. Elles ont une mission générale de suivi et de concertation en matière de sûreté nucléaire*, de radioprotection et d’incidence des activités nucléaires sur les personnes et l’environnement, et doit favoriser l’information des publics en matière de sûreté. La Commission nationale du débat public (CNDP) est l’autorité indépendante chargée de garantir le droit de toute personne vivant en France à l’information et à la participation sur les projets ou les politiques qui ont une incidence sur l’environnement. Ce « droit au débat » du public permet également d’améliorer les décisions des responsables des projets ou des politiques. Il les éclaire sur les valeurs, les attentes ou les interrogations du public. Les déchets radioactifs • 7

Les différents types de déchets radioactifs Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Ils doivent donc être gérés dans une filière* adaptée à leur dangerosité. Temps nécessaire à la décroissance de la radioactivité jusqu’à un seuil ne présentant pas de risque pour la santé humaine et l’environnement. Il est fonction de la période radioactive. 1. Au regard de leur très faible activité, le critère de temps n’entre pas en compte dans la classification de cette catégorie de déchets. La radioactivité est un phénomène naturel auxquels tous les humains sont exposés en permanence. La radioactivité d’origine artificielle est produite par les activités humaines (médecine, industrie, recherche, rejets réglementés des installations nucléaires, etc.). Les déchets radioactifs sont aussi divers que les activités qui les produisent. En fonction de leur origine, ils sont plus ou moins dangereux, pendant plus ou moins longtemps. On distingue en France six catégories de déchets radioactifs, selon deux critères : • l’activité radioactive (le nombre de désintégrations de noyaux radioactifs qui se produisent chaque seconde et qui donc émettent des rayonnements) ; • la durée de vie (le temps pendant lequel ces rayonnements seront émis). Les six catégories de déchets radioactifs VIE TRÈS COURTE Déchets radioactifs qui ont une période* inférieure à 100 jours. Une partie importante résulte des applications médicales de la radioactivité (diagnostic ou thérapie). Jusqu’à environ 3 ans HAUTE ACTIVITÉ Ils résultent du traitement des combustibles nucléaires. Ils dégagent de la chaleur. Il faut les laisser refroidir pendant des années, dans des piscines, avant de les stocker définitivement. En France, les déchets de haute activité sont calcinés, puis incorporés à une pâte de verre en fusion. Ils sont ensuite coulés dans un colis en inox. Jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années VTC FMA-VC HA FAIBLE ET MOYENNE ACTIVITÉ À VIE COURTE Ils sont essentiellement des déchets liés à la maintenance et au fonctionnement des installations nucléaires (vêtements, outils, gants, filtres, etc.). Ces déchets sont également issus de laboratoires de recherche, d’hôpitaux, d’universités, etc. Ils peuvent être incinérés, fondus, enrobés dans une matrice (du ciment par exemple) ou compactés. Jusqu’à environ 300 ans TRÈS FAIBLE ACTIVITÉ Ils proviennent de l’industrie nucléaire, en particulier des opérations de démantèlement des installations. Il s’agit principalement de pièces issues du découpage d’équipements et de gravats très faiblement contaminés. Non déterminant (1) TFA MOYENNE ACTIVITÉ À VIE LONGUE Ils sont essentiellement constitués des coques et embouts issus du traitement* des combustibles nucléaires et des déchets liés au fonctionnement et à la maintenance des centrales. Jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années MA-VL FAIBLE ACTIVITÉ À VIE LONGUE Il s’agit principalement : • des déchets contaminés par du radium utilisé par exemple jadis par l’industrie horlogère ; • des déchets de graphite qui proviennent du démantèlement de réacteurs nucléaires de première génération ; • des déchets de traitement de minéraux tels que les terres rares utilisées en électronique. Jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années FA-VL 8 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

Une substance radioactive contient des éléments radioactifs, naturels ou artificiels, dont l’activité ou la concentration justifie un contrôle pour en prévenir les risques. Substance est un terme global qui comprend à la fois les matières et les déchets radioactifs. Une matière radioactive est une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement. C’est le cas de l’uranium et du plutonium issus du processus de retraitement du combustible nucléaire usé* ou du technétium utilisé en médecine. La France a fait le choix de retraiter le combustible usé de ses centrales nucléaires, jusqu’à 96 % des matières sont réutilisables en tant que matière première pour la fabrication de différents combustibles, l’autre partie (environ 4%) est un déchet. 2. Il s’agit des catégories en usage en France. Elles peuvent être différentes dans d’autres pays. 3. Les déchets de haute activité à vie très courte n’existent pas. CATÉGORIE Déchets à vie très courte contenant des radionucléides* de période < 100 jours Déchets à vie courte dont la radioactivité provient principalement des radionucléides de période ≤ 31 ans Déchets à vie longue contenant majoritairement des radionucléides de période > 31 ans Très faible activité (TFA) Gestion par décroissance radioactive sur le site de production puis élimination dans les filières dédiées aux déchets conventionnels Recyclage ou stockage* dédié en surface (installation de stockage du centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage de l’Aube – Cires) Faible activité (FA) Stockage de surface (centre de stockage des déchets de l’Aube – CSA) Stockage à faible profondeur (à l’étude dans le cadre de la loi du 28 juin 2006) Moyenne activité (MA) Haute activité (HA) Non applicable (3) Stockage en couche géologique profonde (Demande d'autorisation en cours d'instruction) VTC TFA FMA-VC FA-VL MA-VL HA Les catégories(2) de déchets radioactifs et leurs filières de gestion IL Y A MATIÈRE À RÉFLEXION... Les déchets radioactifs • 9

* Voir glossaire page 34 Déchets radioactifs en France: les chiffres clés Les déchets radioactifs présents sur le territoire français sont recensés précisément par l’Andra. À fin 2021, ils représentaient environ 1 760 000 m3. 10 % de ce volume constitue 99 % de la radioactivité. Volumes des déchets présents sur les sites de producteurs / détenteurs ou stockés dans les centres de l’Andra à fin 2021 L’ensemble des déchets radioactifs produits en France est contrôlé et répertorié. Volume, type, localisation : les producteurs de déchets déclarent chaque année leur production respective et leurs prévisions. Toutes ces données sont recensées et mises à disposition de tous. Dans les centres de l’Andra 1 320 000 m3 Sur les sites des producteurs/détenteurs 441 000 m3 LOCALISATION DES DÉCHETS À FIN 2021 CAPACITÉ DES STOCKAGES* EXISTANTS POUR LES DÉCHETS FMA-VC ET TFA À FIN 2021 Capacité 650 000 m3 TFA Capacité 1 530 000 m3 FMA-VC Déchets stockés 890 000 m3 Déchets stockés 430 000 m3 75 % 25 % 2 170 m3 VTC 633 000 m3 TFA 981 000 m3 FMA-VC 103 000 m3 FA-VL 39 500 m3 MA-VL 4 320 m3 HA 10 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

Répartition par secteur économique du volume de déchets (en équivalent conditionné) déjà stockés ou destinés à être pris en charge par l’Andra à fin 2021 35 % du volume total des déchets radioactifs sont de très faible activité (TFA). Ils proviennent essentiellement du démantèlement d’installations nucléaires et sont constitués de gravats, terres, ferrailles, très faiblement contaminés. Ils sont stockés en surface. 55 % du volume total des déchets radioactifs sont à vie courte. Ils perdent la moitié de leur radioactivité sur des durées inférieures ou égales à 30 ans. Au-delà de 300 ans, leur radioactivité résiduelle se rapproche de la radioactivité naturelle. Ils contiennent environ 0,1 % de la radioactivité totale. Ils proviennent essentiellement de l’exploitation et de la maintenance des centrales nucléaires. Ils sont stockés en surface. 8 % du volume total des déchets radioactifs sont à vie longue. Ils peuvent demeurer radioactifs durant des centaines de milliers d’années. 2,5 % d’entre eux contiennent 99,8 % de la radioactivité totale. Ils proviennent essentiellement du traitement* du combustible nucléaire usé*. Ils sont conditionnés (vitrifiés) et entreposés à La Hague, et sont destinés à un stockage en profondeur. 6 % sont de faible activité. Ils proviennent d’activités diverses, la plupart historiques. Ils sont entreposés, dans l’attente de définition d’une solution de gestion. Un centre de stockage dédié est à l’étude. 5,9 % 55,7 % 35,9 % 2,3 % 0,2 % Volume de déchets radioactifs Niveau de radioactivité HA TFA 0,0004 % FMA-VC 0,12 % FA-VL 0,01 % MA-VL 2,67 % 97,2 % On peut noter que plus de 90% du volume des déchets radioactifs sont les déchets TFA et FMA-VC, c’est-à-dire les déchets les moins dangereux. MÉDICAL 0,5 % INDUSTRIE NON ÉLECTRONUCLÉAIRE 3,3 % DÉFENSE 8,7 % RECHERCHE 26,6 % ÉLECTRONUCLÉAIRE 60,9 % Répartition des volumes et niveaux de radioactivité à fin 2021 Source : Inventaire national des déchets radioactifs, Andra, 2023. Les déchets radioactifs • 11

* Voir glossaire page 30 Après avoir été utilisée pour ses qualités énergétiques, médicales ou industrielles, et après avoir été éventuellement réutilisée après retraitement, la matière radioactive devient un déchet qui doit être géré de façon adaptée à sa dangerosité. Prévenir et réduire la production et la nocivité des déchets Ce principe fondamental est inscrit dans la réglementation. Les producteurs de déchets doivent présenter et justifier leurs actions en la matière. Les déchets sont collectés, caractérisés et triés Les déchets peuvent ensuite être conditionnés de façon intermédiaire (non systématique) ou définitive, en ayant été traités au préalable si nécessaire. production des déchets tri Traitement* des déchets Plusieurs techniques possibles • Réduction du volume (fusion, incinération, compactage, etc.) • Décontamination • Traitement physico-chimique (dissolution, évaporation, etc.) * Voir glossaire page 34 12 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ? Les étapes de la gestion des déchets radioactifs Réduction du volume Déconta- mination Traitement chimique

conditionnement* entreposage* et stockage* Le conditionnement est l’ensemble des opérations consistant à introduire un déchet dans un conteneur, en les incorporant ou non dans une matrice d’enrobage ou de blocage, pour former un colis de déchets. La protection des personnes et de l’environnement (article L. 593-1 du code de l’environnement) est contrôlée par l’ASN à chaque étape de gestion. Les transports liés à la gestion des déchets présentent de forts enjeux de sûreté (en particulier pour les transports de combustible usé*). Les colis doivent faire l’objet d’un agrément de l’ASN, après expertise technique de l’IRSN. Ce cahier n’a pas pour objet de développer l’ensemble des enjeux et réglementations en vigueur dans le transport de déchets radioactifs. Les déchets radioactifs • 13 Conditionnement intermédiaire Conditionnement définitif Stockage Entreposage

* Voir glossaire page 34 Où sont les déchets radioactifs en France ? Les déchets radioactifs sont traités puis conditionnés. Ensuite, selon leur nature, ils sont entreposés en attente d’une solution de gestion, ou stockés définitivement dans des centres spécialisés. SOULAINES-DHUYS INB 149 Conditionnement et stockage Centre de stockage de l’Aube (CSA) MORVILLIERS ICPE (4) Conditionnement, entreposage et stockage Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) LA HAGUE INB 66 Stockage Centre de stockage de la Manche (CSM) INB 116, 117, 118 Traitement, conditionnement et entreposage Usines de traitement d’éléments combustibles irradiés (UP2-A et UP2-800) et station de traitement des effluents liquides et des déchets solides (STE3) SACLAY INB 72 Conditionnement et entreposage Zone de gestion de déchets solides radioactifs (ZGDS) INB 35 Traitement et conditionnement Zone de gestion des effluents liquides (ZGEL) SAINT-LAURENT-DES-EAUX INB 74 Entreposage Entreposage de chemises de graphite irradiées MALVÉSI INB 175 Entreposage Entreposage confiné de résidus issus de la conversion (Écrin) Légende Traitement Conditionnement Entreposage Stockage CADARACHE MARCOULE MALVÉSI VALDUC MORVILLIERS TRICASTIN BUGEY SACLAY SAINT-LAURENT-DES-EAUX LA HAGUE SOULAINES-DHUYS 14 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

VALDUC Entreposage Bâtiment d’entreposage de déchets tritiés militaires BUGEY INB 173 Conditionnement et entreposage Installation de conditionnement et d’entreposage des déchets activés (Iceda) TRICASTIN INB 138 Traitement Installation d’assainissement et de récupération de l’uranium (IARU – ex-Socatri) MARCOULE INB 177 Entreposage Déchets irradiants ou alpha issus du démantèlement (Diadem) INBS (5) Traitement et conditionnement CDS INBS (5) Traitement et conditionnement STEMA INB 160 Traitement et conditionnement Centre de traitement et de conditionnement de déchets de faible activité (Centraco) CADARACHE INB 171 Traitement Atelier de gestion avancée et de traitement des effluents (Agate) INB 164 Entreposage Conditionnement et entreposage de déchets radioactifs (Cedra) INB 37-A Traitement et conditionnement Station de traitement des déchets solides (STD) ICPE (4) Conditionnement et entreposage Rotonde CONDITIONNEMENT Le conditionnement est l’opération qui consiste à placer des déchets dans un contenant adapté à leur niveau de radioactivité et à leur durée de vie, et à les immobiliser le cas échéant grâce à un matériau de blocage ou d’enrobage. Parmi ces procédés les plus employés, on peut citer la cimentation, l’enrobage par bitumage ou résines polymères et la vitrification. TRAITEMENT Les déchets radioactifs doivent être traités en vue de leur stockage définitif sûr. Ce traitement comprend la collecte et le tri des déchets, la réduction de leur volume et la modification de leur composition chimique et de leurs propriétés physiques avec, par exemple, la concentration des déchets liquides, et enfin leur conditionnement pour immobilisation en emballage avant l’entreposage et le stockage définitif. ENTREPOSAGE L’entreposage de matières ou de déchets radioactifs est l’opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur, avec intention de les retirer ultérieurement. Les déchets sont entreposés sur les sites dans des installations dédiées à cet effet, avant d’être pris en charge dans des filières* de stockage. STOCKAGE Le stockage en formation géologique profonde permet de placer définitivement les déchets radioactifs de haute activité à vie longue (HA-VL) dans un site garantissant leur confinement*, tout en réservant une possibilité de les reprendre si cela s’avérait nécessaire ou opportun (on parle de « réversibilité* »). Les autres catégories de déchets, présentant une moindre dangerosité, peuvent être stockées dans des installations situées en surface (CSA) ou à une faible profondeur (stockage de déchets FA-VL, en projet). 4. Installation classée pour la protection de l’environnement. 5. Installation nucléaire de base secrète. Les déchets radioactifs • 15

* Voir glossaire page 34 INSPECTION AU CEDRA DU CENTRE CEA DE CADARACHE Outil de manutention de colis avec caméra embarquée. Crédits : ASN/W. Guidarini ÉLABORATION DE VERRES POUR LE PROCESSUS DE VITRIFICATION DES DÉCHETS DE HAUTE ACTIVITÉ Crédits : CEA/Y. Audic et PF. Grosjean Traitement*, conditionnement*, transport, entreposage*, stockage*, etc., les déchets font l’objet d’une surveillance stricte à chaque étape. Le contrôle mené par l’ASN vise, d’une part, à vérifier la bonne application des dispositions réglementaires relatives à la gestion des déchets sur les sites de production (par exemple en matière de zonage, de conditionnement ou de contrôles réalisés par l’exploitant) ; d’autre part, à vérifier la sûreté des installations dédiées à la gestion des déchets radioactifs (installations de traitement, de conditionnement, d’entreposage et de stockage des déchets). Ce contrôle est exercé de manière proportionnée aux enjeux de sûreté associés à chaque étape de la gestion des déchets et à chaque installation. La surveillance des déchets en images 16 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

INSPECTION AU CEDRA DU CENTRE CEA DE CADARACHE Puits d’entreposage de colis moyennement irradiants. Crédits : ASN/W. Guidarini LABORATOIRE SOUTERRAIN DE BURE Creusement d’une galerie. Crédits : ASN INSPECTION TRANSPORT À VALOGNES Chargement d’un colis de déchets sur un camion. Crédits : ASN/D. Sohier LA HAGUE Atelier de vitrification T7. Crédits : Orano/C. Crespeau Les déchets radioactifs • 17

* Voir glossaire page 34 Focus sur quelques installations dédiées au traitement, au conditionnement ou à l’entreposage des déchets radioactifs Chaque site est spécialisé dans des activités spécifiques, allant du traitement* au stockage*, en passant par le conditionnement* et l’entreposage*. Centraco Activités : traitement et conditionnement Types de déchets: de très faible activité (TFA), de faible ou moyenne activité à vie courte (FMA-VC) Exploitant : Cyclife France, filiale d’EDF Localisation : Codolet (Gard) Mise en service : 1996 Installation unique en France, le Centre de traitement et de conditionnement des déchets de faible activité (Centraco – INB* 160) abrite : ■ une unité de fusion, où sont fondus des déchets métalliques. Autorisation d’incinérer 3500 tonnes de déchets par an; ■ une unité d’incinération, où sont traités des déchets solides et liquides combustibles (déchets FMA-VC). Autorisation d’incinérer 3 000 tonnes de déchets solides et 3000 tonnes de déchets liquides par an; ■ une aire d’entreposage. Outre le traitement des déchets, le site industriel a aussi pour finalité : ■ de caractériser les déchets ; ■ de réduire leur volume pour optimiser les capacités de stockage (on parle alors de « réduction volumique » des déchets) ; ■ de conditionner les résidus, après traitement (fusion ou incinération), sous forme de colis destinés au stockage. Les colis sont ensuite confiés à l’Andra, pour stockage définitif. 18 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

Activités : conditionnement et entreposage Types de déchets : de faible ou moyenne activité à vie courte (FMA-VC), de faible activité à vie longue (FA-VL), de moyenne activité à vie longue (MA-VL) Exploitant : EDF Localisation : Saint-Vulbas (Ain) Mise en service : 2020 Mise en service en 2020 et exploitée par EDF, l’Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (Iceda – INB 173) a été conçue pour réceptionner, conditionner et entreposer plusieurs catégories de déchets radioactifs, dont : ■ des déchets de graphite FA-VL, issus du démantèlement du réacteur «uranium naturelgraphite-gaz » (UNGG) de Bugey 1 et destinés à un stockage définitif en faible profondeur ; ■ des déchets métalliques activés MA-VL, issus de l’exploitation des centrales nucléaires d’EDF en fonctionnement et du démantèlement des centrales nucléaires de 1re génération et de Creys-Malville ; ■ certains déchets FMA-VC, dits à « envoi différé ». Ces déchets, destinés à un stockage en surface, nécessitent une décroissance radioactive de quelques années à plusieurs dizaines d’années, avant leur stockage définitif au Centre de stockage de l’Aube (CSA). Le site a réceptionné un premier colis de déchets issu du démantèlement de la centrale nucléaire de Chooz A (Ardennes), en septembre 2020. Iceda Activités : conditionnement, entreposage et stockage Type de déchets: de très faible activité (TFA) Exploitant : Andra Localisation : Morvilliers (Aube) Mise en service : 2003 Le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires), installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), est dédié : ■ au stockage de déchets TFA, depuis sa mise en service en 2003 ; ■ au regroupement de déchets radioactifs, issus d’activités non électronucléaires, et à l’entreposage de certains d’entre eux qui n’ont pas encore de solution de gestion définitive, depuis 2012 ; ■ au tri et au traitement de déchets radioactifs, issus d’activités non électronucléaires, depuis 2016. D’une superficie totale de 46 hectares dont 18 réservés au stockage des déchets TFA, ce centre est autorisé à accueillir 650 000 m3 de déchets. Le site présente un enjeu de saturation de ses capacités de stockage à l’horizon 2030. Une des solutions proposées à moyen terme est l’augmentation de la capacité de stockage maximale autorisée du Cires à plus de 900000 m3, sans faire évoluer l’emprise actuelle de la zone de stockage et en conservant son niveau de sûreté. Ce projet d’agrandissement est dénommé «Acaci». Cires Les déchets radioactifs • 19

* Voir glossaire page 34 Activités : conditionnement et stockage Types de déchets : de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) Exploitant : Andra Localisation : Soulaines-Dhuys (Aube) Mise en service : 1992 Activités : retraitement, conditionnement et entreposage Types de déchets : tous types Exploitant : Orano Localisation : La Hague (Manche) Mise en service : 1986 à 2002 Centre de stockage de l’Aube (CSA) La Hague Le Centre de stockage de l’Aube (CSA) s’étend sur 95 hectares, dont 30 sont réservés au stockage*. Le centre dispose d’une capacité de stockage autorisée d’un million de mètres cubes de déchets FMA-VC. Les déchets FMA-VC stockés au CSA sont conditionnés dans des colis en béton ou des colis métalliques. Ces colis sont placés dans des structures en béton armé de 25 mètres de côté et de 8 mètres de hauteur, construits progressivement. Une fois remplies, ces structures sont fermées par une dalle en béton, dont l’étanchéité est assurée par un revêtement imperméable. À la fin de l’exploitation, une couverture composée notamment d’argile sera placée sur les structures pour assurer le confinement* des déchets à long terme. Une fois la capacité maximale atteinte, le CSA continuera d’être surveillé pendant au moins 300 ans. À la fin de l’année 2022, le volume des déchets stockés au CSA était d’environ 371 500 m3, soit 37 % de la capacité maximale autorisée. Le site regroupe plusieurs unités (UP3-A et UP2-800) réalisant des opérations différentes : entreposage* des assemblages de combustibles usés* ; cisaillage et dissolution de ces assemblages ; séparation chimique des produits de fission*, de l’uranium et du plutonium composant les combustibles ; purification de l’uranium et du plutonium ; traitement* des effluents ; conditionnement* des déchets. Orano porte deux projets d’augmentation des capacités d’entreposage des combustibles usés à La Hague : l’un a trait à la densification des piscines existantes, l’autre, à plus long terme, vise à créer un entreposage à sec. Les produits de fission issus du retraitement des combustibles usés sont concentrés, vitrifiés et conditionnés en colis standard de déchets vitrifiés (CSD-V). Les morceaux de gaines métalliques des assemblages de combustibles sont conditionnés en colis standards de déchets compactés (CSD-C). Ces déchets solides sont entreposés sur le site de La Hague dans l’attente d’une solution de stockage définitive (voir projet Cigéo p. 22 et 23). Par ailleurs le site est concerné par des opérations de reprise et de conditionnement de déchets radioactifs anciens (RCD*). En 2022, des difficultés techniques ont retardé la reprise des déchets des silos 115 et 130 et le traitement de boues produites lors du traitement d’effluents. 20 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 DE QUELS DÉCHETS PARLE-T-ON ?

Activité : entreposage Type de déchets : de moyenne activité à vie longue (MA-VL) Exploitant : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Localisation : Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône) Mise en service : 2006 L’installation « Conditionnement et entreposage de déchets radioactifs » (Cedra – INB* 164) a pour finalité, depuis 2006, l’entreposage de déchets MA-VL, dans l’attente de l’ouverture de filières* de stockage appropriées. Cedra entrepose des déchets radioactifs provenant des laboratoires de recherche du CEA. Le site présente d’importants enjeux de saturation: le CEA anticipe la saturation de l’installation à l’horizon 2030. Des études portant sur un projet d’augmentation de la capacité d’entreposage de Cedra ont débuté en 2020. Cedra Activité : entreposage Type de déchets : de faible activité à vie longue (FA-VL) Exploitant : Orano Chimie-Enrichissement Localisation : Narbonne (Aude) Mise en service : 2018 Implantée sur le massif de stériles miniers et de résidus de traitement d’une ancienne mine de soufre, l’installation « Entreposage confiné de résidus issus de la conversion » (Écrin – INB 175) est constituée de deux anciens bassins d’entreposage des boues usées (bassins B1 et B2) de l’usine Orano Chimie-Enrichissement (ex-Orano Cycle) de Malvési. Autorisée à entreposer des déchets radioactifs pour une durée de 30 ans, avec un volume de déchets limité à 400000 m3, le site comprend des déchets radioactifs produits lors du raffinage et de la conversion de concentrés d’uranium de l’usine d’Orano Chimie-Enrichissement de Malvési déjà contenus dans les bassins B1 et B2, ainsi que les résidus solides issus de la vidange des bassins B5 et B6. Écrin Les déchets radioactifs • 21

Le cas des déchets radioactifs HA-MAVL Le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) sera composé d’installations de surface et d’une installation souterraine. Les installations de surface permettront principalement de recevoir et de contrôler les colis de déchets. L’installation souterraine, située à environ 500 mètres de profondeur et dotée de près de 300 km de tunnels, représentera une surface d’environ 15 km² dans laquelle les colis de déchets seront stockés au moyen de dispositifs robotisés dans des tunnels horizontaux appelés « alvéoles », creusés au cœur d’une couche d’argilite. * Voir glossaire page 34 Le projet Cigéo est dédié au stockage* en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL) afin de protéger la santé des personnes et l’environnement des risques radiologiques et chimiques liés à ces déchets sur le très long terme. La sûreté de Cigéo repose notamment sur les propriétés physiques de cette couche géologique, qui présente une résistance mécanique suffisante et empêche la migration des radionucléides* vers la surface. Le choix d’un stockage en couche géologique profonde Ce type de stockage, par sa profondeur, sa conception et son implantation dans une roche argileuse imperméable et dans un environnement géologique stable, permet de mettre les déchets à l’abri des activités humaines et des événements naturels de surface (comme l’érosion) et d’isoler les déchets HA et MA-VL des humains sur ces très longues échelles de temps. C’est la solution privilégiée au plan international et choisie par la France dans le cadre de la loi Bataille (1991). Ces zones de stockage seront développées de façon modulaire sur une durée séculaire pour permettre la construction progressive des alvéoles dans lesquelles seront introduits les colis de déchets (voir schéma). Laboratoire souterrain Zone de réception, contrôle et préparation des colis Zone puits Zone de soutien aux travaux Zone de stockage HA Double descenderie Zone de stockage MA-VL LE LABORATOIRE SOUTERRAIN DE BURE (MEUSE), situé à 490 mètres de profondeur, est un outil de recherche unique sur le projet Cigéo. Ses galeries souterraines permettent d’étudier in situ une couche d’argile vieille de 160 millions d’années, ainsi que différents concepts et techniques qui pourront être mis en œuvre pour construire l’installation Cigéo. – 420 m – 550 m – 700 m Crédits : Andra/S. Lavoué 22 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 LES ENJEUX POUR DEMAIN

Ces derniers représentent un volume de 85 000 m³. Une fois l’ensemble des colis de déchets stockés, l’installation souterraine sera fermée pour assurer le confinement* des déchets sur de très longues périodes de temps, sans nécessiter d’actions humaines, et les installations de surface démantelées. Une phase de surveillance sur plusieurs centaines d’années sera alors mise en place. L’exploitation du site va durer une centaine d’années et les risques liés à une installation nucléaire LES COLIS DE DÉCHETS DE HAUTE ACTIVITÉ (HA) Ils seront stockés dans des alvéoles d’une centaine de mètres de longueur et d’environ 70 cm de diamètre, revêtues d’un chemisage métallique. LES COLIS DE DÉCHETS DE MOYENNE ACTIVITÉ À VIE LONGUE (MA-VL) Ils seront stockés dans des alvéoles de stockage horizontales de quelques centaines de mètres de longueur et d’une dizaine de mètres de diamètre. ne peuvent pas être négligés : criticité*, incendie, confinement, ventilation, chute de colis, etc. Pour concevoir l’installation, on étudie les aspects spécifiques : profondeur, taille, durée d’exploitation, etc. L’exigence de réversibilité* Il est exigé que le stockage des déchets dans Cigéo soit réversible pendant une durée d’au moins 100 ans, c’est-à-dire que l’on peut pendant cette période sortir des colis en cas de problème. Les inventaires L’inventaire à retenir par l’Andra pour les études et recherches conduites en vue de concevoir le centre de stockage de Cigéo comprend un inventaire de référence et un inventaire de réserve. • L’inventaire de référence tient compte de l’ensemble des déchets de haute et moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL) déjà produits et qui seront produits par les installations nucléaires existantes (centrales nucléaires, centres de recherche), ainsi que ceux qui seront produits par les installations nucléaires autorisées (EPR de Flamanville, ITER, réacteur expérimental Jules Horowitz), avec l’hypothèse d’une durée de fonctionnement des réacteurs de 50 ans en moyenne. • L’inventaire de réserve prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion* de déchets ou à des évolutions de politique énergétique. Ainsi, pour les déchets issus des « nouveaux réacteurs » à construire (en particulier six EPR 2), l’Andra devra examiner les déchets à inscrire dans l’inventaire de réserve et s’assurer que les études d’adaptabilité de Cigéo permettent de les accueillir. CONCEPTION INITIALE TRAVAUX PRÉALABLES Décret de déclaration d’utilité publique (DUP) Dépôt de la demande d’autorisation de création Décret d’autorisation de création (DAC) Loi autorisant la fermeture définitive du stockage Autorisation de mise en service Loi adaptant les conditions de poursuite du fonctionnement du stockage INSTRUCTION DAC CONSTRUCTION INITIALE PHASE INDUSTRIELLE PILOTE FERMETURE ET SURVEILLANCE LES GRANDES ÉTAPES ENVISAGÉES DU PROJET CIGÉO 2022 2001-2021 2023 2028 2150 2035-2040 2040-2050 Horizon Horizon Horizon Horizon FONCTIONNEMENT ET CONSTRUCTION PROGRESSIVE LE STOCKAGE ALVÉOLAIRE DU PROJET CIGÉO Les déchets radioactifs • 23

* Voir glossaire page 34 Un nouveau projet permettra de gérer des déchets qui n’avaient jusqu’alors pas de solution de stockage*. De plus, grâce aux progrès techniques, les déchets radioactifs pourraient être rendus moins dangereux ou moins nombreux. Panorama des pistes à explorer pour l’avenir. DES PISTES pour l’avenir LE PROJET D’INSTALLATION DE STOCKAGE DES DÉCHETS FA-VL Depuis 2008, un projet d’installation de stockage pour les déchets FA-VL est à l’étude par l’Andra. Le projet prévoit un stockage des déchets dans une couche d’argile à une trentaine de mètres de profondeur à Vendeuvre-Soulaines, dans l’Aube. Il permettrait d’isoler les déchets des activités humaines et de l’érosion, de limiter la circulation de l’eau dans le stockage et de retarder le transfert des radionucléides* vers la biosphère. L’Andra établira, début 2024, un dossier présentant les options techniques et de sûreté retenues pour cette installation. LA FUSION NUCLÉAIRE Dans le processus de fission, on casse des atomes lourds en plusieurs morceaux en les bombardant de neutrons. Dans le processus de fusion, c’est l’inverse : on comprime la matière avec une telle force que deux atomes légers s’assemblent en un seul atome plus lourd. Un réacteur à fusion ne produirait donc pas les mêmes déchets radioactifs que les centrales actuelles (produits de fission*, actinides*, etc.) mais des déchets tritiés de plus faible activité et de moins longue durée de vie. Mais la production d’électricité avec la fusion nucléaire présente encore des obstacles technologiques importants. LES RÉACTEURS À NEUTRONS RAPIDES (RNR) Ce type de réacteurs permet de produire des réactions de fission à partir de combustibles très divers, en particulier des combustibles usés*. Par exemple, ils peuvent utiliser le plutonium produit par le parc actuel des réacteurs à eau pressurisée (REP). Ils sont aussi capables de fonctionner à l’uranium naturel, avec des rendements énergétiques supérieurs au parc actuel, et ainsi d’utiliser la totalité de l’uranium naturel. Enfin, certains RNR permettent, dans certaines conditions, de transformer les actinides mineurs (l’américium, le neptunium et le curium) contenus dans les déchets radioactifs de haute activité, en éléments à vie plus courte. Cette transformation, appelée « transmutation* », permettrait de réduire l’émission de chaleur et la radiotoxicité intrinsèque des déchets ultimes. LA SÉPARATION/TRANSMUTATION Les opérations de séparation/transmutation visent à isoler, puis à transformer les radionucléides à vie longue présents dans les déchets radioactifs en radionucléides à vie plus courte, voire en éléments stables. Cela aurait un effet sur le dimensionnement du stockage, en diminuant à la fois la puissance thermique, la nocivité des déchets stockés et le volume du stockage. L’ASN estime que, si des études sur la transmutation devaient être poursuivies, il conviendrait qu’elles portent sur les substances radioactives actuellement qualifiées de matières ou les déchets produits par un futur parc de réacteurs. LA VALORISATION DES DÉCHETS DE TRÈS FAIBLE ACTIVITÉ (TFA) La valorisation d’une partie des matériaux métalliques TFA constituerait une manière d’optimiser les capacités de stockage de ces déchets en réduisant les quantités de déchets à stocker et l’artificialisation des sols associée. Elle permettrait également d’économiser les matières premières auxquelles les déchets se substitueraient. Concrètement, il s’agit de fondre ces déchets, d’éliminer la fraction contaminée et de les utiliser pour fabriquer des objets ou des ouvrages. 24 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024

La gestion des déchets radioactifs dans le monde Si certains pays ont à gérer les déchets radioactifs issus de l’industrie nucléaire, quasiment tous les pays du monde ont à gérer les déchets radioactifs provenant des diverses applications médicales et industrielles. Pour de nombreux pays, la gestion sûre des déchets radioactifs passe par la construction de sites de stockage dans lesquels les déchets sont placés de manière a priori définitive. De tels centres de stockage existent à travers le monde pour les déchets de plus faible activité. Il s’agit généralement de sites de surface ou enterrés à faible profondeur. Pour les déchets de haute activité, le stockage doit être réalisé à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres, afin de garantir le confinement* de ces déchets pendant plusieurs milliers d’années. Plusieurs types de roches sont privilégiés pour accueillir ce type de déchets (argile, granite, sel, etc.). La construction d’installations de stockage géologique profond représente un investissement majeur. Pour être menés à terme, de tels projets requièrent une implication des gouvernements et des parlements sur le long terme. Pour le moment, aucun site de stockage de ce type n’est en exploitation dans le monde, mais plusieurs pays, dont la Finlande, sont bien avancés dans cette démarche. A contrario, à l’instar des États-Unis qui ont abandonné leur projet de stockage géologique, de nombreux pays, y compris parmi les pays industrialisés, reportent les décisions et adoptent de facto une politique d’entreposage* de long terme. Les déchets radioactifs • 25 LES ENJEUX POUR DEMAIN

* Voir glossaire page 34 Suède La Suède a autorisé en 2022 la construction à Östhammar d’un centre de stockage géologique (roche granitique) pour le combustible usé, pour un début d’exploitation envisagé entre 2030 et 2035. La Suède dispose également d’une installation centralisée de stockage sur le site de Forsmark dédiée aux déchets FMA-VC. Pour les déchets FMA-VL, la Suède envisage une installation de stockage géologique distincte. Canada Un projet de stockage* géologique du combustible usé* est à l’étude depuis 2007. Deux sites situés en Ontario ont été présélectionnés en 2019. Le choix final doit être arrêté en 2024. La demande d’autorisation de construction est attendue pour 2029 pour un début de construction envisagé en 2033 et une mise en service à partir de 2043. Pour les déchets FMA-VL, un centre de stockage géologique à 600 m de profondeur est envisagé à proximité de la centrale de Bruce. Un projet de stockage en sub-surface est également à l’étude pour les déchets de faible activité issus des activités de recherche du laboratoire national de Chalk River. Ces deux projets n’ont toutefois pas obtenu l’accord des populations locales. Les processus de concertation se poursuivent. États-Unis Le projet de stockage géologique du combustible usé sur le site de Yucca Mountain (Nevada), à l’étude depuis les années 1980, a été abandonné en 2011 par décision politique, notamment en raison d’une forte opposition locale. Une nouvelle recherche de site a été lancée, mais aucun site n’a été sélectionné à ce stade. L’entreposage* à sec in situ du combustible usé reste à ce jour la modalité de gestion privilégiée. Les États-Unis disposent par ailleurs d’un centre de stockage géologique, le WIPP, situé au Nouveau Mexique pour les déchets transuraniens issus des programmes de défense (stockage dans une couche de sel à environ 650 mètres de profondeur). Les déchets FMA civils sont stockés à faible profondeur. Ghana Le Ghana a un projet avancé de stockage en puits (150 mètres de profondeur) de sources usées avec l’appui technique des autorités de sûreté américaine et canadienne. Deux puits ont été réalisés à titre d’essais. Le dossier de sûreté a été examiné par l’AIEA* en 2019 et la demande d’autorisation de création est en cours d’instruction par les autorités. Espagne L’Espagne envisage de se doter d’un site de stockage géologique pour les déchets HA. La sélection des sites candidats est prévue pour 2032. Le pays dispose d’installations de stockage de surface et de faible profondeur pour les déchets TFA et FMA sur le site d’El Cabril. Les concepts mis en œuvre pour ces installations sont similaires à ceux développés en France (Cires et CSA). 26 • Les cahiers de l’ASN • Mai 2024 LES ENJEUX POUR DEMAIN

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