L’objectif de l’ASN est de s’assurer, par ces réexamens périodiques, que l’installation respecte les dispositions de son décret de démantèlement et les exigences de sûreté et de radioprotection associées jusqu’à son déclassement, en appliquant les principes de la défense en profondeur propres à la sûreté nucléaire, dans une logique proportionnée aux enjeux. En effet, si les opérations de démantèlement entraînent l’affaiblissement, voire la disparition des barrières physiques existantes, l’exploitant doit, en fonction des enjeux de sûreté et de radioprotection résiduels, maintenir des lignes de défense adaptées nécessaires à la protection des travailleurs et de l’environnement (mise en place de sas, ventilation nucléaire, balises de radioprotection, etc.). À l’issue de son démantèlement, une INB doit être déclassée, sur décision de l’ASN homologuée par le ministre chargé de la sûreté nucléaire. Elle est alors retirée de la liste des INB et ne relève plus du régime correspondant. L’exploitant doit notamment fournir, à l’appui de sa demande de déclassement, un dossier comprenant une description de l’état du site après démantèlement (analyse de l’état des sols, bâtiments ou équipements subsistant, etc.) et démontrant que l’état final prévu a bien été atteint. En fonction de l’état final atteint, l’ASN peut conditionner le déclassement de l’INB considérée à la mise en place de servitudes d’utilité publique. Celles‑ci peuvent fixer un certain nombre de restrictions d’usage du site et des bâtiments (limitation à un usage industriel, par exemple) ou de mesures de précaution (mesures radiologiques en cas d’affouillement(2), etc.). Une vingtaine d’installations, majoritairement d’anciens réacteurs de recherche, ont à ce jour été démantelées et déclassées. Au 31 décembre 2022, l’ASN instruit 22 dossiers de démantèlement d’installations définitivement arrêtées, dont le démantèlement n’a pas été encore prescrit ou dont les conditions de 2. L’affouillement est le creusement volontaire d’un sol par extraction de terre en raison de travaux sur un terrain (par exemple, creusement des fondations d’une construction). démantèlement sont substantiellement modifiées. L’instruction des dossiers de déclassement des deux dernières INB du centre CEA de Grenoble est par ailleurs achevée. 1.4 Le financement du démantèlement et de la gestion des déchets radioactifs Le code de l’environnement, dans ses articles L. 594‑1 à L. 594‑10 et D. 594‑1 à D. 594‑18, définit le dispositif relatif à la sécurisation des charges nucléaires liées au démantèlement des installations nucléaires, à la gestion des combustibles usés et à la gestion des déchets radioactifs. Ce dispositif est précisé par l’arrêté du 21 mars 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires. Cet arrêté vise à sécuriser le financement des charges nucléaires, dans la logique du principe « pollueur‑payeur ». Les exploitants nucléaires doivent ainsi prendre en charge ce financement, par la constitution d’un portefeuille d’actifs dédiés, à hauteur des charges anticipées. Ces charges doivent être évaluées de manière prudente, en prenant en compte les différentes incertitudes. Les exploitants sont ainsi tenus de remettre au Gouvernement des rapports triennaux relatifs à ces charges et des notes d’actualisation annuelles. Le provisionnement se fait sous le contrôle direct de l’État, qui analyse la situation des exploitants et peut prescrire les mesures nécessaires en cas d’insuffisance ou d’inadéquation. La Direction générale du trésor et la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) constituent l’autorité administrative compétente pour ce contrôle. La DGEC saisit l’ASN afin de rendre un avis technique sur les hypothèses prises par les exploitants. Dans tous les cas, ce sont les exploitants nucléaires qui restent responsables du bon financement de leurs charges de long terme. 2. La situation des installations nucléaires en démantèlement : enjeux spécifiques À la fin de l’année 2022, 35 installations sont définitivement arrêtées ou en cours de démantèlement en France, soit environ un quart des INB (voir carte page 348). Ces installations sont très variées (réacteurs électronucléaires, réacteurs de recherche, installations du « cycle du combustible », installations support, etc.) et les enjeux du démantèlement diffèrent d’une installation à l’autre. Ces enjeux sont cependant tous liés à la quantité importante de déchets à gérer pendant le démantèlement et aux conditions d’intervention au plus près de zones contaminées ou activées. Les enjeux de sûreté et de radioprotection sont d’autant plus élevés que les installations contiennent des déchets historiques ; c’est le cas, en particulier, des anciennes usines de traitement de combustibles irradiés d’Orano ou des anciennes installations d’entreposage du CEA. L’une des problématiques majeures du démantèlement est la mémoire de la conception et de l’exploitation de l’installation. Ainsi, le maintien de compétences et la phase de caractérisation de l’installation visant à définir son état initial (état de l’installation au début du démantèlement) présentent une importance cruciale. 2.1 Les réacteurs électronucléaires 2.1.1 Les réacteurs électronucléaires à eau sous pression Le démantèlement des réacteurs électronucléaires à eau sous pression (REP) bénéficie d’un REX acquis sur de nombreux projets à l’international et la conception de ces réacteurs facilite leur démantèlement par rapport à d’autres technologies de réacteur. Le démantèlement de ce type d’installation ne présente ainsi pas d’enjeu technique majeur et sa faisabilité est acquise. Toutefois, quelle que soit la durée de vie des réacteurs en fonctionnement, EDF sera confrontée au démantèlement simultané de plusieurs REP. EDF devra donc s’organiser pour industrialiser le démantèlement afin de respecter l’obligation de démantèlement de chaque installation dans un délai aussi court que possible. Le premier chantier de démantèlement des REP en France est celui du réacteur Chooz A (INB 163). Il s’agit d’un modèle réduit par rapport aux réacteurs électronucléaires en fonctionnement. Il présente quelques difficultés techniques particulières liées à sa construction dans une caverne ; certaines opérations sont plus complexes, telle l’extraction de gros composants comme les générateurs de vapeur. Le démantèlement de la cuve de Chooz A est en cours depuis 2014 et se poursuit dans des conditions satisfaisantes. La centrale nucléaire de Fessenheim a été arrêtée définitivement en 2020. Il s’agira des deux premiers réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe), représentatifs du parc actuel de réacteurs exploités par EDF, à être démantelés en France. Le démantèlement des réacteurs de Fessenheim constituera donc également un REX important pour les autres REP d’EDF (voir « Panorama régional » en introduction de ce rapport). 346 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 • 13 • Le démantèlement des installations nucléaires de base 13
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