1. Le cadre juridique et technique du démantèlement 1.1 Les enjeux du démantèlement La réalisation, dans des délais maîtrisés, des opérations de démantèlement, souvent longues et coûteuses, constitue un défi pour les exploitants en matière de gestion de projet, de maintien des compétences ainsi que de coordination des différents travaux, qui font intervenir de nombreuses entreprises spécialisées. Pour autant, le choix du démantèlement immédiat en France impose aux exploitants de réaliser leurs opérations de démantèlement dans des délais aussi courts que possible, dans des conditions économiques acceptables (voir point 1.2). Le démantèlement est caractérisé par une succession d’opérations qui tendent, progressivement, à diminuer la quantité de substances radioactives présentes dans l’installation, et donc par des risques évolutifs. Si la baisse des quantités de substances présentes dans l’installation réduit tendanciellement les risques, les travaux réalisés, parfois au plus près des substances radioactives, présentent toutefois des enjeux de radioprotection importants pour les travailleurs. D’autres risques augmentent également lors des chantiers, comme le risque de dissémination de substances radioactives dans l’environnement ou certains risques classiques, comme les risques de chutes de charges liées aux manutentions de gros composants, ou les risques d’incendies lors de travaux par points chauds avec présence de matériaux combustibles, d’instabilité de structures partiellement démontées, ou encore de risques chimiques durant les opérations de décontamination. L’un des enjeux majeurs du démantèlement d’une installation est lié à la production d’un grand volume de déchets, généralement très supérieur aux volumes produits durant son fonctionnement. Les démantèlements des installations anciennes du CEA et des usines de première génération d’Orano (en particulier les usines qui ont concouru à la politique de dissuasion de la France, comme les usines de diffusion gazeuse de l’installation nucléaire de base secrète (INBS – périmètre défense) de Pierrelatte au Tricastin et l’usine UP1 de l’INBS de Marcoule, vont ainsi conduire à une production très importante de déchets de très faible activité (TFA). Il est nécessaire d’apprécier l’ampleur et la difficulté des travaux dès que possible dans la vie des installations, et dès la conception pour les installations neuves, afin d’assurer que leur démantèlement pourra se faire en toute sûreté et dans des délais aussi courts que possible. Le bon déroulement des opérations de démantèlement est également conditionné par la disponibilité des installations support au démantèlement (installations d’entreposage, de traitement et de conditionnement des déchets, installations de traitement d’effluents) et de filières de gestion adaptées à l’ensemble des déchets susceptibles d’être produits. Lorsque les exutoires finaux sont susceptibles de ne pas être disponibles au moment de la production des déchets issus du démantèlement, les exploitants, de façon prudente, doivent mettre en place les installations nécessaires à l’entreposage sûr de ces déchets, dans l’attente de l’ouverture de la filière de stockage correspondante. L’adéquation des capacités d’entreposage disponibles avec les besoins liés au fonctionnement et au démantèlement des INB, ainsi que l’avancement des études relatives aux différentes options de gestion définitive des déchets radioactifs, sont à cet égard régulièrement examinés dans le cadre du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR – voir chapitre 14). L’ASN considère que la gestion des déchets issus des opérations de démantèlement constitue un point crucial pour le bon déroulement des programmes de démantèlement (disponibilité des filières, gestion des flux de déchets). Ce sujet fait l’objet d’une attention particulière lors de l’évaluation des stratégies Le terme de démantèlement couvre l’ensemble des activités, techniques et administratives, réalisées après l’arrêt définitif d’une installation nucléaire, à l’issue desquelles l’installation peut être déclassée, c’est‑à‑dire qu’elle peut être retirée de la liste des installations nucléaires de base (INB). Ces activités comprennent l’évacuation des matières radioactives et des déchets encore présents dans l’installation et les opérations de démontage des matériels, composants et équipements utilisés pendant le fonctionnement, ainsi que l’assainissement des locaux et des sols puis, éventuellement, des opérations de démolition de structures de génie civil. Les opérations de démantèlement et d’assainissement visent à atteindre un état final prédéfini qui permet de prévenir les risques et les impacts que peut présenter le site pour l’environnement et les personnes, en tenant compte de ses usages futurs possibles. Le démantèlement d’une installation nucléaire est prescrit par décret pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette phase de vie des installations est caractérisée par une succession d’opérations qui présentent une complexité parfois forte, des durées longues, la production de grandes quantités de déchets et des coûts importants; celles‑ci doivent être anticipées au mieux – ce d’autant qu’elles doivent être effectuées dans les meilleurs délais possibles, comme prévu par la réglementation. Au fil des chantiers de démantèlement, les changements continus que connaissent les installations modifient la nature des risques et constituent des défis pour les exploitants en matière de gestion de projet. En 2022, 35 installations nucléaires de tout type (réacteurs de production d’électricité ou de recherche, laboratoires, usines de retraitement de combustible, installations de traitement de déchets, etc.) étaient arrêtées ou en cours de démantèlement en France, ce qui correspond à plus du quart des INB en exploitation. 342 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 • 13 • Le démantèlement des installations nucléaires de base
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