particulier. Simultanément, certains ont pu exprimer la crainte d’une « mise sous pression » de l’ASN. Dans ce contexte, il importe de rappeler comment les décisions de l’ASN sont prises : elles le sont de façon collégiale – autrement dit elles ne sont pas le fait d’une seule personne – et elles sont prises à l’issue d’un pro‑ cessus d’instruction qui fait une large place au dia‑ logue technique avec les industriels et responsables d’activités nucléaires. Au cours de ce dialogue technique, les possibilités d’amélioration de la sûreté sont explorées à l’aune de ce qui est raisonnablement possible. L’état de l’art sur le sujet considéré, incluant le retour d’expérience inter‑ national, est à cet effet examiné. Le dialogue porte non seulement sur les questions de sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l’environnement mais aussi sur la faisabilité technique et industrielle ainsi que les délais de mise en œuvre. Au‑delà du dialogue avec les industriels, les exploi‑ tants ou les responsables d’activités nucléaires, le processus de décision de l’ASN inclut des consulta‑ tions larges. Sur les sujets les plus importants, l’ASN peut demander l’avis des groupes permanents d’ex‑ perts placé auprès d’elle. Constitués d’experts expé‑ rimentés issus d’organismes de sûreté français et étrangers, mais aussi d’industriels, d’universitaires et d’experts non institutionnels, ils permettent un débat riche et une capacité de recul par rapport aux conclu‑ sions des expertises – que celles-ci émanent de l’ASN ou de l’IRSN – et aux arguments des industriels. L’avis rendu par les groupes permanents d’experts fait, à de rares exceptions près, l’objet d’un consensus de ses membres. La pratique de ce dialogue technique approfondi est un atout tant pour la sûreté que pour le dévelop‑ pement de technologies innovantes, telles que les Small Modular Reactors (SMR) ou Advanced Modular Reactors (AMR). Comme le dialogue s’établit très en amont des procédures réglementaires, il permet à l’ASN d’éclairer le porteur de projet sur les choix en matière de sûreté, dès les premières réflexions sur un nouveau projet d’installation. Le dialogue est itéra‑ tif, c’est‑à‑dire que l’industriel présente de premières options, au stade des études préliminaires de concep‑ tion. Ainsi, il peut être indiqué très en amont si telle option envisagée risque de conduire à une impasse, et éviter que l’industriel perde du temps. En outre, ce dialogue sécurise les industriels en leur donnant de la visibilité sur le référentiel de sûreté applicable. Surtout, il favorise la bonne prise en compte des questions de sûreté à chaque étape des projets. Une organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à la hauteur des enjeux Dans le contexte actuel, disposer d’un contrôle indé‑ pendant et fondé sur le dialogue technique est parti‑ culièrement important. L’ASN dispose déjà en interne d’un solide socle de compétences lui permettant de conduire ce dialogue technique. La compétence – une des quatre valeurs de l’ASN – s’acquiert par un recrutement à haut niveau, un parcours de formation initiale systématique dont peu d’institutions disposent, et des parcours de car‑ rière permettant aux personnels de s’inscrire dans la durée pour développer leur expérience en matière de contrôle. Ces compétences, dont certaines peuvent être quali‑ fiées d’expertise, permettent à l’ASN de prendre, sans recours à des appuis externes, une part importante de ses décisions. Il importe de préserver et même de renforcer cette capacité, car c’est bien sur la science et la technique que repose la crédibilité des décisions de l’ASN : l’existence d’un continuum entre expertise et décision est donc déjà, dans la réalité, un élément incontournable du système de contrôle actuel. Le Gouvernement a annoncé, début février 2023, son intention de faire évoluer l’organisation du contrôle pour renforcer son indépendance et les compétences de l’ASN. À l’heure où j’écris ces lignes, cette proposi‑ tion est encore en discussion au Parlement. Quelle que soit l’organisation du contrôle qui sera fina‑ lement retenue, les personnels en fonction à l’ASN et les personnels de l’IRSN continueront de travailler ensemble, en poursuivant le même objectif de protec‑ tion des personnes et de l’environnement. Je sais pou‑ voir compter sur leur engagement pour poursuivre la mission que nos concitoyens attendent d’eux. n 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 Éditorial du directeur général
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