RAPPORT DE L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022
L’Autorité de sûreté nucléaire présente son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022. Ce rapport est prévu par l’article L. 592-31 du code de l’environnement. Il a été remis au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, et transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en application de l’article précité.
2022 AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE MISSIONS FONCTIONNEMENT CHIFFRES CLÉS ORGANIGRAMME Créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l’ASN est une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les personnes et l’environnement. Elle informe le public et contribue à des choix de société éclairés. L’ASN décide et agit avec rigueur et discernement : son ambition est d’exercer un contrôle reconnu par les citoyens et constituant une référence internationale. RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2022
RÉGLEMENTER L’ASN contribue à l’élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décret et d’arrêté ministériel et en prenant des décisions réglementaires à caractère technique. Elle s’assure que la réglementation est claire, accessible et proportionnée aux enjeux. AUTORISER L’ASN instruit l’ensemble des demandes d’autorisation individuelles des installations nucléaires. Elle accorde les autorisations, à l’exception des autorisations majeures des installations nucléaires de base (INB) telles que la création et le démantèlement. L’ASN délivre également les autorisations prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité et accorde les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives. CONTRÔLER L’ASN vérifie le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations et activités entrant dans son champ de compétence. Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », les missions de l’ASN s’étendent à la protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’inspection représente l’activité de contrôle principale de l’ASN. Près de 1 900 inspections ont ainsi été réalisées en 2022 dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’ASN dispose de pouvoirs de coercition et de sanction gradués (mise en demeure, amende administrative, astreinte journalière, possibilité de procéder à des saisies, prélèvements ou consignations, etc.). L’amende administrative relève de la compétence d’une commission des sanctions placée au sein de l’ASN, respectant le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. INFORMER L’ASN rend compte de son activité au Parlement. Elle informe le public et les parties prenantes (associations de protection de l’environnement, commissions locales d’information, médias, etc.) de son activité et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. L’ASN permet à tout citoyen de participer à l’élaboration de ses décisions ayant une incidence sur l’environnement. Elle soutient l’action des commissions locales d’information placées auprès des installations nucléaires. Le site Internet asn.fr est le mode privilégié d’information de l’ASN. EN CAS DE SITUATION D’URGENCE L’ASN contrôle les opérations de mise en sûreté de l’installation prises par l’exploitant. Elle informe le public et ses homologues étrangères de la situation. L’ASN assiste le Gouvernement. En particulier, elle adresse aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre au titre de la sécurité civile. UN CONTRÔLE D’ACTIVITÉS ET D’INSTALLATIONS DIVERSIFIÉES Centrales nucléaires, gestion des déchets radioactifs, fabrication et retraitement de combustibles nucléaires, colis de substances radioactives, installations médicales, laboratoires de recherche, activités industrielles, etc., l’ASN contrôle un ensemble d’activités et d’installations très varié. Ce contrôle porte sur : ∙ 56 réacteurs nucléaires produisant 70% de l’électricité consommée en France, ainsi que le réacteur EPR de Flamanville en construction ; ∙ environ 80 autres installations participant à des activités de recherche civile, à des activités de gestion de déchets radioactifs ou à des activités du « cycle du combustible » ; ∙ 35 installations définitivement arrêtées ou en démantèlement; ∙ plusieurs milliers d’installations ou d’activités dans lesquelles sont utilisées des sources de rayonnements ionisants à des fins médicales, industrielles ou de recherche ; ∙ plusieurs centaines de milliers d’expéditions de substances radioactives réalisées annuellement sur le territoire national. LE RECOURS À DES EXPERTS Pour prendre ses décisions, l’ASN s’appuie sur des expertises techniques extérieures, notamment celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le président de l’ASN est membre du conseil d’administration de l’IRSN. L’ASN sollicite également les avis et les recommandations de sept groupes permanents d'experts (GPE) placés auprès d’elle et provenant d’horizons scientifiques et techniques divers. L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE MISSIONS
LE COLLÈGE Le collège définit la politique générale de l’ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il est composé de cinq commissaires, dont le président, désignés pour six ans(*). DÉSIGNÉS PAR le Président de la République DÉSIGNÉE PAR le Président du Sénat DÉSIGNÉ PAR le Président de l’Assemblée nationale (*) Le code de l’environnement, modifié par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prévoit le renouvellement du collège de l’ASN à l’exception de son président, par moitié tous les trois ans. Le décret n° 2019‑190 du 14 mars 2019 (codifiant les dispositions applicables aux INB, au transport de substances radioactives et à la transparence en matière nucléaire) a prévu les dispositions transitoires utiles et modifié la durée des mandats de trois commissaires. (**) Par décret du Président de la République en date du 21 avril 2021, Laure Tourjansky a été nommée commissaire pour la durée du mandat restant à courir de Lydie Évrard, appelée à d’autres fonctions. IMPARTIALITÉ Les commissaires exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d’instructions ni du Gouvernement ni d’aucune autre personne ou institution. INDÉPENDANCE Les commissaires exercent leurs fonctions à temps plein. Leur mandat est d’une durée de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un commissaire qu’en cas d’empêchement ou de démission constaté par le collège statuant à la majorité de ses membres. Le Président de la République peut mettre fin aux fonctions d’un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations. COMPÉTENCES Le collège prend des décisions et rend des avis qui sont publiés au Bulletin officiel de l’ASN. Le collège définit la politique de contrôle de l’ASN. Le président nomme les inspecteurs de l’ASN. Le collège décide de l’ouverture des enquêtes après incident ou accident. Chaque année, il présente au Parlement le Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Son président rend compte des activités de l’ASN aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Le collège définit la politique de relations extérieures de l’ASN au plan national et au plan international. LES SERVICES L’ASN dispose de services placés sous l’autorité de son président. Les services sont dirigés par un directeur général, nommé par le président de l’ASN. Ils assurent les missions de l’ASN au quotidien et préparent les projets d’avis et de décisions pour le collège de l’ASN. Ils se composent: ∙ de services centraux, organisés par thématiques, qui pilotent leur domaine d’activité à l’échelle nationale, tant sur les questions techniques que transverses (action internationale, préparation aux situations d’urgence, information des publics, affaires juridiques, ressources humaines et autres fonctions supports). En particulier, ils préparent les projets de doctrine et de textes de portée générale, instruisent les dossiers techniques les plus complexes et les dossiers «génériques», c’est‑à‑dire se rapportant à plusieurs installations similaires ; ∙ de 11 divisions territoriales, compétentes sur une ou plusieurs régions administratives, de façon à couvrir l’ensemble du territoire national et les collectivités territoriales d’outre‑mer. Les divisions réalisent l’essentiel du contrôle de terrain sur les installations nucléaires, les transports de substances radioactives et les activités du nucléaire de proximité. Elles représentent l’ASN en région et contribuent à l’information du public dans leur périmètre géographique. Dans les situations d’urgence, les divisions assistent le préfet de département, responsable de la protection des populations, et assurent le contrôle des opérations de mise en sûreté de l’installation accidentée. Bernard DOROSZCZUK Président Sylvie CADET-MERCIER (*) Commissaire Géraldine PINA JOMIR Commissaire Laure TOURJANSKY (*)(**) Commissaire Jean-Luc LACHAUME (*) Commissaire du 13 novembre 2018 au 12 novembre 2024 du 21 décembre 2016 au 9 décembre 2023 du 15 décembre 2020 au 9 décembre 2026 du 21 avril 2021 au 9 décembre 2023 du 21 décembre 2018 au 9 décembre 2026 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE FONCTIONNEMENT RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2022
85,5 M€ 81 11 de budget de l’IRSN consacrés à l’expertise pour l’ASN notes d'information conférences de presse de budget pour l’ASN (programme 181) 68,30 M€ L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE 85 % de cadres 48 % de femmes PERSONNEL 516 agents ACTIONS DE L'ASN INFORMATIONS BUDGET 2 161 décisions individuelles d’autorisation et d’enregistrement délivrées 19 réunions plénières des groupes permanents d'experts 28 508 lettres de suite d’inspection disponibles sur asn.fr au 31 décembre 2022 239 avis techniques de l’IRSN rendus à l’ASN inspections dont 4 % réalisées à distance 1 868 CHIFFRES CLÉS 2022 réponses aux sollicitations du public et des parties prenantes 600 329 inspecteurs
111 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS DANS LE DOMAINE MÉDICAL (*) NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS CLASSÉS SUR L’ÉCHELLE INES (*) 1 082 événements dans les installations nucléaires de base 985 97 88 événements dans le transport de substances radioactives 76 12 202 événements dans le nucléaire de proximité (médical et industriel) 162 1 39 Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 619 événements significatifs par domaine d’exposition 117 événements significatifs de radiothérapie externe et curiethérapie selon le classement sur l’échelle ASN-SFRO Curiethérapie Radiothérapie externe Médecine nucléaire Scanographie Radiologie conventionnelle et dentaire Pratiques interventionnelles radioguidées 67 219 191 6 25 * L’échelle internationale INES (International Nuclear and Radiological Event Scale) a été développée par l’AIEA afin d’expliquer au public l’importance d’un événement vis-à-vis de la sûreté ou de la radioprotection. Cette échelle est applicable aux événements survenant dans les INB et aux événements ayant des conséquences, potentielles ou réelles, sur la radioprotection du public et des travailleurs. Elle ne s’applique pas aux événements ayant un impact sur la radioprotection des patients, les critères habituellement utilisés pour classer les événements (dose reçue notamment) n’étant pas applicables dans ce cas. Comme il était pertinent de pouvoir informer le public sur les événements de radiothérapie, l’ASN a développé, en lien étroit avec la Société française de radiothérapie oncologique, une échelle spécifique aux événements de radiothérapie (échelle ASN-SFRO). Ces deux échelles couvrent un champ relativement large des événements de radioprotection, à l’exception des événements d’imagerie. Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 4 CHIFFRES CLÉS 2022 73 24 16 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2022
CHEFFE DE CABINET Sylvie RODDE DIRECTEURS GÉNÉRAUX ADJOINTS Pierre BOIS Julien COLLET Daniel DELALANDE INSPECTEUR EN CHEF Christophe QUINTIN DIRECTEUR DE CABINET Vincent CLOÎTRE DIRECTEUR GÉNÉRAL Olivier GUPTA PRÉSIDENT Bernard DOROSZCZUK DÉONTOLOGUE Alain DORISON MISSION EXPERTISE ET ANIMATION Adeline CLOS MISSION DE SOUTIEN AU CONTRÔLE Julien HUSSE ÉQUIPEMENTS SOUS PRESSION NUCLÉAIRES Corinne SILVESTRI DÉCHETS, INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DU CYCLE Cédric MESSIER CENTRALES NUCLÉAIRES Rémy CATTEAU RAYONNEMENTS IONISANTS ET SANTÉ Carole ROUSSE ENVIRONNEMENT ET SITUATIONS D’URGENCE Olivier RIVIÈRE TRANSPORT ET SOURCES Fabien FÉRON RELATIONS INTERNATIONALES Luc CHANIAL AFFAIRES JURIDIQUES Olivia LAHAYE INFORMATION, COMMUNICATION ET USAGES NUMÉRIQUES Clémence PICART COLLÈGE DIRECTIONS COMMISSAIRES Sylvie CADET-MERCIER Jean-Luc LACHAUME Géraldine PINA JOMIR Laure TOURJANSKY PRÉSIDENT Maurice MÉDA COMMISSION DES SANCTIONS DIRECTION GÉNÉRALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Jean-Patrick GOUDALLE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ORGANIGRAMME(*)
(1) Les divisions de Caen et Orléans interviennent respectivement dans les régions Bretagne et Île-de-France pour le contrôle des seules INB. (2) La division de Paris intervient en Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon. (3) Les divisions de Bordeaux et Marseille assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Occitanie. (4) Les divisions de Châlons-en-Champagne et Strasbourg assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Grand Est. * Au 1er mars 2023. 1 BORDEAUX DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Alice-Anne MÉDARD CHEF DE DIVISION Simon GARNIER 2 CAEN DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Olivier MORZELLE CHEF DE DIVISION Gaëtan LAFFORGUE DIVISIONS 4 DIJON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Jean-Pierre LESTOILLE CHEF DE DIVISION Marc CHAMPION 7 MARSEILLE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Sébastien FOREST CHEF DE DIVISION Bastien LAURAS 5 LILLE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Julien LABIT CHEF DE DIVISION Rémy ZMYSLONY 8 NANTES DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Anne BEAUVAL CHEFFE DE DIVISION Émilie JAMBU 10 PARIS DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Emmanuelle GAY CHEFFE DE DIVISION Agathe BALTZER 6 LYON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Jean-Philippe DENEUVY CHEFFE DE DIVISION Nour KHATER 9 ORLÉANS DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé BRÛLÉ CHEF DE DIVISION Arthur NEVEU 11 STRASBOURG DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEFFE DE DIVISION Camille PERIER 3 CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEF DE DIVISION Mathieu RIQUART L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE 10 9 8 7 5 4 3 2 1 DROM-COM Division de Lille Hauts-de-France Division de Châlons-en-Champagne (4) Grand Est Division de Strasbourg (4) Grand Est Division de Lyon Auvergne-Rhône-Alpes Division de Marseille (3) Corse, Occitanie, Provence-AlpesCôte d'Azur Division de Bordeaux (3) Nouvelle-Aquitaine, Occitanie Division de Nantes Bretagne, Pays de la Loire Division de Caen (1) Normandie Division de Paris (2) Île-de-France, DROM-COM Division d'Orléans (1) Centre-Val de Loire 11 6 Division de Dijon Bourgogne-Franche-Comté 10 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2022
Compétence Indépendance Rigueur Transparence Suivez également l’ASN sur les réseaux sociaux info@asn.fr asn.fr
ÉDITORIAL DU COLLÈGE p. 2 • ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL p. 8 • FAITS MARQUANTS 2022 p. 11 LES APPRÉCIATIONS DE L’ASN p. 18 • ACTUALITÉS RÉGLEMENTAIRES p. 30 LE PANORAMA RÉGIONAL DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION p. 36 SOMMAIRE Les utilisations médicales des rayonnements ionisants 07p. 210 Les déchets radioactifs et les sites et sols pollués 14p. 362 Les relations internationales 06p. 196 Le démantèlement des installations nucléaires de base 13 p. 340 L’information des publics 05 p. 184 Les installations nucléaires de recherche et industrielles diverses 12 p. 334 Les situations d’urgence radiologique et post-accidentelles 04p. 172 Les installations du « cycle du combustible nucléaire» 11 p. 324 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants 03 p. 148 Les centrales nucléaires d’EDF 10 p. 290 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle 02p. 122 Le transport de substances radioactives 09 p. 272 Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 01 p. 102 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources 08p. 242 Liste des installations nucléaires de base au 31 décembre 2022 ANNEXE p. 382 AVIS AU LECTEUR i Le contrôle des activités nucléaires de proximité (médical, recherche et industrie, transport) est présenté dans les chapitres 7, 8, 9. Seules les actualités réglementaires de l’année 2022 sont présentes dans cet ouvrage. L’ensemble de la réglementation est consultable sur asn.fr, rubrique «L’ASN réglemente». RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2022
ÉDITORIAL DU COLLÈGE 2022, UNE ANNÉE ET UN CONTEXTE HORS NORME Montrouge, le 7 mars 2023 En 2022, la sûreté des installations nucléaires, ainsi que la radioprotection dans les secteurs industriel, médical et du transport de substances radioactives se sont maintenues à un niveau satisfaisant. Toutefois, l’année 2022 a été marquée par des aléas sur les installations nucléaires jamais rencontrés jusqu’alors ainsi que par un épisode caniculaire intense. Ces événements ont, à nouveau, mis en évidence les besoins de maintien de marges pour la sûreté et d’anticipation des enjeux, y compris pour faire face aux situations exceptionnelles liées au changement climatique. L’année 2022 a aussi été celle des débats engagés sur le mix énergétique français et sur les nouvelles perspectives nucléaires, qu’il s’agisse de poursuite de fonctionnement des installations existantes ou de nouvelles installations. Ils s’inscrivent dans le contexte de la guerre en Ukraine et de tensions internationales, qui renforcent les enjeux de souveraineté énergétique et de réindustrialisation. Dans ce contexte, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estime que les réflexions menées dans le cadre de la préparation de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) devraient aborder le nucléaire dans son ensemble (production d’origine nucléaire, fonctionnement et avenir du «cycle du combustible», gestion des déchets associés), de manière systémique, afin de pouvoir anticiper globalement les enjeux de sûreté, de radioprotection et de protection de l’environnement, y compris ceux liés au changement climatique, dans une vision à moyen et long terme et faire en sorte que ces enjeux soient intégrés au cœur des décisions publiques. 2 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022
Un phénomène inattendu de corrosion sous contrainte sur le parc nucléaire qui rappelle le besoin de marges pour la sûreté En 2022, le nombre et la durée des arrêts de réacteurs ont été sans précédent. Cette situation était pour partie prévisible compte tenu des opérations dues au «grand carénage » du parc nucléaire décidé par EDF et aux conséquences du report de certaines opérations de maintenance liées à la crise sanitaire. Elle a été aggravée par la découverte, lors de contrôles périodiques, d’un phénomène de corrosion sous contrainte sur des soudures du circuit d’injection de sécurité, inédit sur le parc international des réacteurs à eau sous pression. Face à ce phénomène inattendu, EDF, en sa qualité de premier responsable de la sûreté, a décidé d’arrê‑ ter ou de prolonger l’arrêt d’une quinzaine de réac‑ teurs de tout palier pour effectuer des contrôles complémentaires et engager un important plan d’in‑ vestigation. Cela a permis d’identifier les principaux facteurs d’apparition de la corrosion sous contrainte et de déterminer les réacteurs les plus sensibles au phénomène, à savoir les quatre réacteurs de type N4 et les douze réacteurs de type P’4. Sur cette base, EDF a proposé une stratégie de contrôle priorisée à déployer progressivement sur tous les réacteurs du parc en fonctionnement. L’ASN a estimé cette straté‑ gie appropriée et a souligné qu’elle pourrait être révi‑ sée en tenant compte des connaissances nouvelles. EDF a décidé de privilégier le remplacement systé‑ matique, d’ici fin 2023, des tuyauteries considérées comme sensibles au phénomène sur les seize réac‑ teurs susceptibles d’être les plus affectés. Ce choix est favorable vis à vis de la sûreté ; il s’inscrit toutefois dans un contexte déjà tendu en matière de charge de travail sur les segments industriels concernés. De gauche à droite : Géraldine PINA JOMIR, Commissaire Jean‑Luc LACHAUME, Commissaire Sylvie CADET‑MERCIER, Commissaire Bernard DOROSZCZUK, Président Laure TOURJANSKY, Commissaire Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 3 Éditorial du collège
Un été marqué par une canicule et une sécheresse exceptionnelles qui n’ont pas eu d’impact sur la sûreté nucléaire L’été 2022 a été marqué par une canicule et une sécheresse exceptionnelles qui ont conduit l’ASN, pour la première fois depuis 2003, à prendre des décisions permettant de déroger aux prescriptions de rejets thermiques et de maintenir en fonction‑ nement cinq réacteurs. Cette situation n’a pas eu de conséquence sur la sûreté nucléaire. La surveillance de l’environnement a été spécifiquement renfor‑ cée pour être en mesure de détecter au plus tôt une éventuelle dégradation du milieu. Le premier bilan de cette surveillance, réalisé fin 2022, n’a pas mis en évidence d’impact sur l’environnement à l’aval des installations. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la fréquence des épisodes extrêmes de cet été pourrait être doublée voire triplée à l’horizon 2050. La gestion de leurs conséquences nécessitera une consolidation des connaissances scientifiques sur les conséquences environnementales des rejets et des prélèvements en eau, ainsi qu’une anticipation des enjeux globaux à long terme. Un contexte de guerre en Ukraine qui fragilise les responsabilités en matière de sûreté Concernant la situation des installations nucléaires en Ukraine, l’ASN a privilégié, avec ses homologues euro‑ péennes, une évaluation commune des conséquences radiologiques d’un éventuel scénario accidentel. Les travaux de renforcement des installations nucléaires à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima (Japon) ont contribué à renforcer la robus‑ tesse de la centrale nucléaire de Zaporijia (Ukraine), notamment pour ce qui concerne le risque de perte des alimentations électriques externes. Toutefois, les installations nucléaires ne sont pas conçues pour résis‑ ter à des actes de guerre. L’ASN estime qu’il est fondamental qu’en toute cir‑ constance l’exploitant d’une installation puisse assu‑ rer son rôle de premier responsable de la sûreté, notamment en maîtrisant la chaîne de décision, et que les opérateurs puissent agir sans subir de pres‑ sion physique et psychologique, à la fois pour la gestion de la sûreté au quotidien ou face à une éven‑ tuelle situation accidentelle. De plus, l’ASN rappelle que l’Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne (State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine – SNRIU), légalement chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, doit être à même d’exercer sa mission sans entrave. La mise en service de l’EPR qui reste conditionnée aux dernières étapes à franchir EDF s’est fortement mobilisée sur le site de Flamanville en 2022 dans les dernières activités à réaliser avant la mise en service, pour la requalification de l’installation après les modifications et les réparations effectuées. Toutefois, l’ASN souligne qu’un travail important reste à faire, en amont de la mise en service, pour réaliser la dernière campagne d’essais à chaud sur site et par ail‑ leurs, pour terminer les justifications de la conformité des équipements sous pression nucléaires. À la demande de l’ASN, EDF a réalisé des analyses approfondies afin d’identifier les causes des anomalies affectant le combustible et le cœur constatées dans les premiers réacteurs EPR à l’étranger, ainsi que leurs conséquences sur la sûreté. En particulier, EDF a tiré les enseignements sur la conception des assemblages de combustible, qui seront intégrés à partir du pre‑ mier chargement en réacteur, pour prévenir le risque de perte d’intégrité du combustible. Par ailleurs, EDF étudie la conception d’un dispositif afin de se prému‑ nir des phénomènes hydrauliques constatés dans les premiers réacteurs. L’ASN rappelle que des analyses sont encore néces‑ saires pour justifier la conception de certains équi‑ pements importants pour la sûreté, notamment la fiabilité des soupapes du pressuriseur, ainsi que la per‑ formance de la filtration de l’eau réinjectée depuis le fond du bâtiment réacteur en situation d’accident. Des projets de petits réacteurs innovants qui soulèvent des questions de sûreté inédites Dans le contexte d’objectif de production d’énergie décarbonée, les Small Modular Reactors (SMR) font l’objet d’un fort engouement dans le monde, notam‑ ment des pays non nucléarisés. Cet engouement ne doit pas occulter les questions de sécurité et de sûreté nucléaires qui se posent pour ces réacteurs. Elles doivent être placées au même niveau que les préoc‑ cupations de production d’électricité décarbonée. En particulier, le déploiement de ces petits réacteurs pour différents usages pourrait conduire à leur implanta‑ tion dans des zones industrielles ou des aggloméra‑ tions, soulevant des questions spécifiques comme la maîtrise, par l’exploitant, des risques de malveillance et de prolifération des matières nucléaires. … 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 Éditorial du collège
De surcroît, le déploiement de ces petits réacteurs nécessitera non seulement une chaîne industrielle pour leur construction, mais aussi le développement et la mise en place d’une gestion spécifique des combustibles usés et des déchets qui n’existent pas aujourd’hui. Enfin, le niveau d’exigence de sûreté à fixer dans un contexte de forte volonté d’harmonisation internatio‑ nale est un sujet de débat. Pour l’ASN, le niveau à rete‑ nir ne devrait pas se limiter à viser un équivalent à la génération 3 des réacteurs actuels (EPR en France) mais à exploiter les potentialités d’amélioration offertes par ce type de réacteur. En 2022, l’ASN a poursuivi ses échanges avec plusieurs entreprises françaises développant des projets de SMR de différentes technologies. À l’initiative de l’ASN, les autorités de sûreté française, finlandaise et tchèque ont engagé, avec leurs appuis techniques respec‑ tifs, l’examen préliminaire des principales options de sûreté du projet Nuward porté par EDF. Les conclu‑ sions de leur évaluation conjointe seront partagées avec les autorités de sûreté européennes dans le cadre de l’initiative communautaire sur le développement des SMR lancée en 2021 par l’Union européenne. Pour l’ASN, ce type d’initiative concrète sur des conceptions de réacteurs à maturité suffisante constitue une étape indispensable pour une meilleure convergence des exi‑ gences de sûreté pour les SMR. Des fragilités sur les usines du « cycle du combustible » qui restent une préoccupation pour l’ASN Les fragilités constatées en 2021 sur les usines du « cycle du combustible » restent une préoccupation pour l’ASN malgré les progrès constatés. Les actions des exploitants pour améliorer la robustesse opéra‑ tionnelle de leurs ateliers, dont chacun est souvent un maillon unique dans une chaîne de traitement, doivent se poursuivre. L’ASN rappelle, face à cette situation, l’importance de disposer au plus tôt de nouvelles capacités d’entrepo‑ sage de combustibles usés répondant aux standards de sûreté les plus récents, afin de répondre à la pro‑ blématique de saturation des capacités actuelles. La densification des piscines existantes ne saurait, sur la durée, se substituer au projet de piscine d’entrepo‑ sage centralisé présenté par EDF. De manière générale, la gestion des combustibles usés soulève des questions d’anticipation de court, moyen et long termes qui présentent chacune, de forts enjeux de sûreté. L’ASN réaffirme qu’à court terme, la question de la poursuite ou non de la stra‑ tégie de retraitement actuelle devrait être tranchée pour pouvoir disposer de suffisamment de marges pour la sûreté au regard du choix qui sera fait. Quelle que soit la décision prise, il faudra en anticiper les conséquences d’au moins une dizaine d’années. Cette décision devrait être précédée d’une réflexion stratégique d’ensemble sur l’avenir du « cycle du combustible ». À cet égard, l’ASN suggère que soit engagé un travail de réflexion pluraliste sur les futurs possibles du « cycle du combustible » et les déchets associés, semblable à celui réalisé par le Réseau de transport d’électricité (RTE) sur les futurs énergé‑ tiques à l’horizon 2050. Des opérations de démantèlement et de reprise et conditionnement des déchets qui exigent une meilleure lisibilité Les démantèlements sont des opérations complexes, qui s’étendent en général sur plusieurs décennies. L’ASN est vigilante à l’avancement des différentes étapes à franchir dans les années à venir et souhaite donner de la visibilité à ces étapes. Dans le cadre du contrôle mis en place sur les projets complexes, elle a dressé, et présente désormais dans ce rapport, un « observatoire de la reprise et de conditionnement des déchets (RCD) et du démantèlement». Les projets prio‑ ritaires y sont présentés : pour la RCD, ce sont les opé‑ rations concernant les déchets qui présentent le terme source le plus important ou des enjeux de sûreté spé‑ cifiques ; pour les démantèlements, ce sont les instal‑ lations pour lesquelles des jalons importants doivent être franchis dans les cinq à dix prochaines années. Ces projets prioritaires feront désormais l’objet d’une démarche spécifique de suivi par phase ou par jalon de projet. Une étape importante du projet Cigéo qui ouvre une période d’instruction durant laquelle la concertation doit se poursuivre Le projet de stockage géologique pour les déchets de haute et moyenne activité à vie longue, Cigéo, a franchi une étape importante avec le dépôt, par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), du dossier de demande d’auto‑ risation de création de l’installation en janvier 2023. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 5 Éditorial du collège
L’ASN a poursuivi, en 2022, le long travail technique préalable au dépôt de ce dossier d’une ampleur consi‑ dérable. Elle a aussi contribué activement au travail réalisé sous l’égide du Haut Comité pour la trans‑ parence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) pour définir les modalités de poursuite de la concertation autour du projet durant les années à venir: elle comportera des ateliers avec les parties pre‑ nantes les plus concernées par le projet, de manière à garantir la prise en compte de toutes les questions techniques qui suscitent des attentes. Une culture de la radioprotection médicale et industrielle qui doit être entretenue En 2022, le niveau de radioprotection s’est maintenu à un niveau satisfaisant dans le domaine médical. Ce domaine, dans lequel les enjeux de radioprotec‑ tion sont particulièrement importants, connaît une forte tension, en particulier sur les moyens humains, qui s’est accentuée ces deux dernières années. Cela a conduit à la mise en place de nouvelles organisations de travail, notamment multi-sites ou faisant appel à des intervenants extérieurs. L’ASN est particulière‑ ment vigilante à ce que ces nouvelles organisations n’engendrent pas un recul de la radioprotection des travailleurs. Ces situations inédites, comme un change‑ ment complet de l’équipe médicale, doivent être anti‑ cipées, notamment dans la conduite du changement et les procédures d’habilitation au poste de travail. La connaissance et la bonne adhésion aux exigences de radioprotection sont bien présentes dans les équipes spécialisées dans les techniques utilisant les rayonnements ionisants. Toutefois, les observations de ces quatre dernières années montrent que cette culture de la radioprotection reste perfectible dans le domaine des pratiques interventionnelles radio‑ guidées, pour lesquelles la formation des personnels à la radioprotection des patients et des travailleurs peine à progresser. D’autre part, le retour d’expé‑ rience d’événements anciens est parfois oublié. Ainsi des erreurs d’étalonnage en radiothérapie externe ont été de nouveau relevées en 2022, malgré l’exis‑ tence d’événements similaires ayant fait l’objet de fiches de Retour d’expérience de l’ASN partagées au sein de la profession. Ce constat existe dans d’autres domaines, comme celui de la gammagraphie indus‑ trielle où ont été constatées à nouveau des mauvaises pratiques dans la gestion de situation de blocage de source. Ces événements nous rappellent que la culture de radioprotection n’est jamais acquise, mais doit être entretenue pour éviter la perte de compétence et d’ex‑ périence en cas d’événement inattendu ou indésirable. Dans le cadre du deuxième plan d’action 2018-2022 pour la maîtrise des doses délivrées aux patients, l’ASN promeut toutes les actions susceptibles de concourir à la mise en œuvre des principes de justification et d’optimisation, tant pour les activités de routine que pour la mise en place des innovations technologiques ou de nouvelles pratiques. Au titre de ces principes, l’ASN insiste sur l’importance et la plus-value des audits cliniques externes par les pairs, en particulier dans les domaines à fort enjeu. De même, compte tenu de la part importante des traitements par radio‑ thérapie en oncologie et de l’amélioration de la sur‑ vie, l’ASN rappelle la nécessité de la mise en place de registres de suivi pour les patients ayant bénéficié de traitement par radiothérapie pour permettre une meil‑ leure évaluation des effets radio-induits à long terme, en particulier pour les nouvelles pratiques (hypofractionnement, flash-thérapie). Des démarches innovantes et partenariales du Codirpa qui se poursuivent Le Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle (Codirpa) a publié son rapport de recommandations au Premier ministre sur l’alimen‑ tation dans un territoire contaminé par un accident nucléaire autour d’une centrale, recommandations appuyées sur un travail de terrain mené avec des panels de riverains. Il a également poursuivi ses travaux sur la gestion de situations post-accidentelles autour d’installations autres que des centrales, ainsi que ses travaux sur la gestion de déchets. Le travail engagé dans le cadre du mandat donné par le Premier ministre au Codirpa sur la culture de sécurité et de radioprotection des populations a amené ses membres à se mobiliser collectivement, le 13 octobre 2022, en cohérence avec la Journée interna‑ tionale pour la réduction des risques de catastrophes de l’Organisation des Nations unies (ONU). Cette mobi‑ lisation a pour objectif de préparer les populations aux bons réflexes pour faire face aux risques nucléaires. L’ASN, avec l’Association nationale des comités et com‑ missions locales d’information (Anccli) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), a coor‑ donné les actions des différents acteurs du Codirpa. … 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 Éditorial du collège
Un nouveau plan stratégique(1) pour l’ASN qui prend en compte un contexte en mutation L’année 2022 a été marquée par l’adoption, par l’ASN, de son nouveau plan stratégique à cinq ans. Après une décennie marquée par le «post-Fukushima», de nouvelles perspectives de long terme pour le nucléaire se dessinent. Elles sont principalement por‑ tées par le besoin d’accélérer la décarbonation de l’éco‑ nomie et par les enjeux de souveraineté. Ce nouveau contexte s’accompagne d’innovations et d’initiatives pour le développement de nouveaux types de réac‑ teurs qui poussent les régulateurs à s’interroger sur leur mode de collaboration. Les questions de sûreté seront au centre des débats et supposeront, de la part de l’ASN, une capacité à expliquer et à faire en sorte que les enjeux de sûreté et de radioprotection soient anticipés par l’ensemble des acteurs, tant pour les nouvelles constructions, que pour la poursuite de fonctionnement des réacteurs, la gestion du « cycle du combustible » ou la gestion des déchets, dans le système nucléaire dans son ensemble. Ces nouvelles perspectives renforceront la nécessité pour l’ASN de cultiver la concertation et le pluralisme, et de contribuer, outre ses missions de contrôle, au développement d’une culture de la sécurité et de la radioprotection au sein de la population. Dans la période à venir, l’ASN devra faire face à un nombre de dossiers de demande de création d’installations inédit dans les années récentes, tout en restant mobilisée sur les installations en fonctionnement ou en démantèlement, ainsi que sur les activités médicales, industrielles et de transport de substances radioactives. 1. Le plan stratégique pluriannuel 2023-2027 est disponible sur asn.fr. Dans ce contexte général, l’ASN a défini quatre axes qui structureront sa stratégie dans les cinq années à venir : 1/ dire et faire partager sa vision à court, moyen et long termes des enjeux de sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l’environnement, pour le système nucléaire dans son ensemble; 2/ renforcer la connaissance des risques et être porteur, avec les autres acteurs concernés, d’une culture de sécurité et de radioprotection pour répondre aux attentes et aux besoins de la société, dans un monde plus exigeant mais aussi plus fracturé; 3/ adapter notre contrôle à un nouveau contexte, en affirmant notre recentrage sur les activités et instal‑ lations à forts enjeux, et en renforçant nos actions sur la gestion des projets; 4/ et enfin, réussir les transformations internes pour être plus attractif et efficient. Face à ces enjeux, l’ASN devra disposer de moyens complémentaires adaptés ainsi que d’une capacité renforcée de gestion autonome de ces moyens, à l’ins‑ tar de ses homologues à l’étranger. n Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 7 Éditorial du collège
UN CONTRÔLE À LA HAUTEUR DES ENJEUX Montrouge, le 7 mars 2023 2022 a été une année charnière pour le nucléaire en France, avec l’annonce par le Président de la République d’un programme de construction de nouveaux réacteurs et du souhait que les centrales actuelles poursuivent leur fonctionnement; année charnière plus généralement à l’échelle européenne, avec une crise énergétique sans précédent qui a achevé de faire basculer le nucléaire dans une nouvelle ère. Les responsables d’autorités de sûreté nucléaire d’Europe ont rappelé, dans une déclaration commune, l’importance de la sûreté nucléaire dans ce nouveau contexte. Ils appellent chacun des acteurs à exercer pleinement ses responsabilités en la matière, qu’il s’agisse des gouvernements, des industriels ou des autorités de contrôle elles-mêmes. Il incombe à ces dernières de prendre des décisions équilibrées. À cette fin, le dialogue technique approfondi entre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), appuyée le cas échéant par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et les industriels est le meilleur garant de l’obtention d’un haut niveau de sûreté tenant compte des réalités industrielles. Plus que jamais dans la période actuelle, il est essentiel de disposer d’un contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection indépendant, à la hauteur des enjeux. 8 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
L’importance de la sûreté nucléaire dans le contexte actuel de crise énergétique : un appel à une vigilance collective La situation de crise énergétique que nous connais‑ sons en France, qui est aussi celle de beaucoup d’autres pays notamment en Europe, mérite une attention particulière du point de vue de la sûreté nucléaire. Cette question a été débattue au sein de l’association WENRA, qui rassemble les responsables d’autorités de sûreté d’Europe. Avec l’accroissement des préoccupations relatives à l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, ainsi que la nécessité de limiter le changement clima‑ tique, de nombreux pays se tournent à nouveau vers le nucléaire, que ce soit par la prolongation de l’exploita‑ tion de centrales existantes ou par la construction de nouveaux réacteurs. Cette situation peut, compte tenu de l’urgence à dispo‑ ser de capacités de production électrique, conduire à mettre en tension différents acteurs, en particulier les industriels ou les autorités de contrôle, au détriment de la qualité de réalisation des projets. Dans une déclara‑ tion commune, ces autorités, dont l’ASN, ont émis plu‑ sieurs recommandations pour limiter ce risque : ∙ d’abord, les décisions de politique énergétique doivent être prises avec suffisamment d’anticipa‑ tion, en tenant compte des délais de réalisation des projets industriels, et être stables dans le temps. Ces deux éléments sont importants, car l’absence de visi‑ bilité et de stabilité est préjudiciable à la sûreté ; ∙ ensuite, les gouvernements et l’ensemble des par‑ ties prenantes doivent reconnaître que ce sont les exploitants qui sont les premiers responsables de la sûreté nucléaire : il ne faut pas les déposséder de cette responsabilité. Il leur incombe donc de bâtir des démonstrations de sûreté relatives à l’exploi‑ tation de leurs installations ou à leurs projets nou‑ veaux, et de le faire dans des délais permettant une instruction par les autorités de sûreté dans de bonnes conditions ; ∙ enfin, l’indépendance des autorités de sûreté est essentielle dans la période actuelle. Celles‑ci doivent travailler de façon efficace et rendre leurs décisions dans des délais appropriés. Comme on le voit, chacun de ces acteurs a un rôle à jouer dans l’obtention du haut niveau de sûreté que les citoyens sont en droit d’exiger à l’aube d’un nouveau programme nucléaire. Trouver un juste équilibre dans la décision par le dialogue technique approfondi Comme souvent dans un contexte de développement du nucléaire – c’était déjà le cas à la fin des années 1970 lors de la construction des réacteurs existants – des questionnements ont pu se faire entendre en 2022 sur le niveau d’exigence potentiellement exces‑ sif des autorités de sûreté en général, et de l’ASN en Olivier Gupta Éditorial du directeur général Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 9
particulier. Simultanément, certains ont pu exprimer la crainte d’une « mise sous pression » de l’ASN. Dans ce contexte, il importe de rappeler comment les décisions de l’ASN sont prises : elles le sont de façon collégiale – autrement dit elles ne sont pas le fait d’une seule personne – et elles sont prises à l’issue d’un pro‑ cessus d’instruction qui fait une large place au dia‑ logue technique avec les industriels et responsables d’activités nucléaires. Au cours de ce dialogue technique, les possibilités d’amélioration de la sûreté sont explorées à l’aune de ce qui est raisonnablement possible. L’état de l’art sur le sujet considéré, incluant le retour d’expérience inter‑ national, est à cet effet examiné. Le dialogue porte non seulement sur les questions de sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l’environnement mais aussi sur la faisabilité technique et industrielle ainsi que les délais de mise en œuvre. Au‑delà du dialogue avec les industriels, les exploi‑ tants ou les responsables d’activités nucléaires, le processus de décision de l’ASN inclut des consulta‑ tions larges. Sur les sujets les plus importants, l’ASN peut demander l’avis des groupes permanents d’ex‑ perts placé auprès d’elle. Constitués d’experts expé‑ rimentés issus d’organismes de sûreté français et étrangers, mais aussi d’industriels, d’universitaires et d’experts non institutionnels, ils permettent un débat riche et une capacité de recul par rapport aux conclu‑ sions des expertises – que celles-ci émanent de l’ASN ou de l’IRSN – et aux arguments des industriels. L’avis rendu par les groupes permanents d’experts fait, à de rares exceptions près, l’objet d’un consensus de ses membres. La pratique de ce dialogue technique approfondi est un atout tant pour la sûreté que pour le dévelop‑ pement de technologies innovantes, telles que les Small Modular Reactors (SMR) ou Advanced Modular Reactors (AMR). Comme le dialogue s’établit très en amont des procédures réglementaires, il permet à l’ASN d’éclairer le porteur de projet sur les choix en matière de sûreté, dès les premières réflexions sur un nouveau projet d’installation. Le dialogue est itéra‑ tif, c’est‑à‑dire que l’industriel présente de premières options, au stade des études préliminaires de concep‑ tion. Ainsi, il peut être indiqué très en amont si telle option envisagée risque de conduire à une impasse, et éviter que l’industriel perde du temps. En outre, ce dialogue sécurise les industriels en leur donnant de la visibilité sur le référentiel de sûreté applicable. Surtout, il favorise la bonne prise en compte des questions de sûreté à chaque étape des projets. Une organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à la hauteur des enjeux Dans le contexte actuel, disposer d’un contrôle indé‑ pendant et fondé sur le dialogue technique est parti‑ culièrement important. L’ASN dispose déjà en interne d’un solide socle de compétences lui permettant de conduire ce dialogue technique. La compétence – une des quatre valeurs de l’ASN – s’acquiert par un recrutement à haut niveau, un parcours de formation initiale systématique dont peu d’institutions disposent, et des parcours de car‑ rière permettant aux personnels de s’inscrire dans la durée pour développer leur expérience en matière de contrôle. Ces compétences, dont certaines peuvent être quali‑ fiées d’expertise, permettent à l’ASN de prendre, sans recours à des appuis externes, une part importante de ses décisions. Il importe de préserver et même de renforcer cette capacité, car c’est bien sur la science et la technique que repose la crédibilité des décisions de l’ASN : l’existence d’un continuum entre expertise et décision est donc déjà, dans la réalité, un élément incontournable du système de contrôle actuel. Le Gouvernement a annoncé, début février 2023, son intention de faire évoluer l’organisation du contrôle pour renforcer son indépendance et les compétences de l’ASN. À l’heure où j’écris ces lignes, cette proposi‑ tion est encore en discussion au Parlement. Quelle que soit l’organisation du contrôle qui sera fina‑ lement retenue, les personnels en fonction à l’ASN et les personnels de l’IRSN continueront de travailler ensemble, en poursuivant le même objectif de protec‑ tion des personnes et de l’environnement. Je sais pou‑ voir compter sur leur engagement pour poursuivre la mission que nos concitoyens attendent d’eux. n 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 Éditorial du directeur général
Phénomène de corrosion sous contrainte affectant des réacteurs du parc nucléaire français Impact de la canicule et de la sécheresse de l’été 2022 sur les centrales nucléaires L’ASN se mobilise dans le cadre de la guerre en Ukraine FAITS MARQUANTS 2022 PAGE 12 PAGE 14 PAGE 16 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 11
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