Rapport de l'ASN 2018
l’objet d’une attention particulière lors de l’évaluation des stra tégies de démantèlement et de gestion des déchets établies par le CEA, EDF et Orano (voir point 4.1). La politique française de gestion des déchets ne prévoit pas de seuils de libération pour les déchets très faiblement radio actifs mais leur gestion dans une filière spécifique, afin d’as surer leur regroupement et leur traçabilité. Cette politique repose sur le zonage des déchets des installations, qui a sou vent été établi de façon majorante par les exploitants pour des raisons d’exploitation. Par conséquent, les démantèlements des installations anciennes du CEA et des usines de première génération d’Orano (en particulier les usines qui ont concouru à la politique de dissuasion de la France, comme les usines de diffusion gazeuse de l’installation nucléaire de base secrète (INBS, périmètre défense) de Pierrelatte au Tricastin et l’usine UP1 de l’INBS de Marcoule) vont conduire à une production très importante de déchets de très faible activité (TFA). Cette production massive dans les décennies à venir, non anticipée et incompatible avec le dimensionnement actuel du Cires, a conduit aux travaux d’un groupe de travail du PNGMDR, dont sont issues plusieurs pistes de réflexion, dont la création d’un nouveau stockage centralisé, le recyclage éventuel de certains déchets ou leur stockage sur place (voir chapitre 14). 1.2 ̶ La doctrine de l’ASN en matière de démantèlement 1.2.1 – Le démantèlement immédiat De nombreux facteurs peuvent influencer le choix d’une straté gie de démantèlement plutôt qu’une autre : les réglementations nationales, les facteurs socio‑économiques, le financement des opérations, la disponibilité de filières d’élimination de déchets, de techniques de démantèlement, de personnel qualifié, du per sonnel présent lors de la phase de fonctionnement, l’exposition du personnel et du public aux rayonnements ionisants induits par les opérations de démantèlement… Ainsi, les pratiques et les réglementations diffèrent d’un pays à l’autre. Le principe de démantèlement dans des délais aussi brefs que possible figure dans la réglementation applicable aux INB ( arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base). Ce principe, inscrit depuis 2009 dans la doctrine établie par l’ASN en matière de démantèlement et de déclassement des INB, a été repris au niveau législatif dans la loi n°2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette stratégie permet notamment de ne pas faire porter le poids du démantèlement sur les générations futures, sur les plans technique et financier. Elle permet également de bénéficier des connaissances et compétences des équipes présentes pendant le fonctionnement de l’installation, indispensables notamment lors des premières opérations de démantèlement. La stratégie adoptée en France vise à ce que : ∙ ∙ l’exploitant prépare le démantèlement de son installation dès la conception de celle‑ci ; ∙ ∙ l’exploitant anticipe le démantèlement et envoie son dossier de démantèlement avant l’arrêt du fonctionnement de son installation ; ∙ ∙ l’exploitant dispose de ressources financières pour assurer le financement du démantèlement, en couvrant les charges qu’il anticipe par des actifs dédiés ; ∙ ∙ les opérations de démantèlement se déroulent «dans un délai aussi court que possible » après l’arrêt de l’installation, délai qui peut néanmoins varier de quelques années à quelques décennies selon la complexité de l’installation. 1.2.2 – L’assainissement complet Les opérations de démantèlement et d’assainissement d’une installation nucléaire doivent conduire progressivement à l’élimination des substances radioactives issues des phénomènes d’activation ou de dépôts, et d’éventuelles migrations de la contamination, dans les structures des locaux de l’installation, voire dans les sols du site. L’ASN promeut la doctrine de démantèlement française à l’international Depuis 2014, l’Agence internationale de l’énergie atomique ( AIEA ) reconnaît deux stratégies possibles de démantèlement des installations nucléaires, après leur arrêt définitif : ཛྷ ཛྷ le démantèlement différé : les parties de l’installation contenant des substances radioactives sont maintenues ou placées dans un état sûr pendant plusieurs décennies avant que les opérations de démantèlement ne commencent (les parties «conventionnelles» de l’installation peuvent être démantelées dès l’arrêt de l’installation) ; ཛྷ ཛྷ le démantèlement immédiat : le démantèlement est engagé dès l’arrêt de l’installation, sans période d’attente, les opérations de démantèlement pouvant toutefois s’étendre sur une longue période. L’AIEA estime qu’il convient de privilégier le démantèlement immédiat. Une troisième stratégie, intitulée «confinement sûr», qui consiste à placer les parties de l’installation contenant des substances radioactives dans une structure de confinement renforcée durant une période permettant d’atteindre un niveau d’activité radiologique suffisamment faible en vue de la libération du site, n’est plus considérée comme acceptable par l’AIEA mais peut être justifiée par des circonstances exceptionnelles. Aujourd’hui, en accord avec la position de l’AIEA, la politique française vise à ce que les exploitants des INB adoptent une stratégie de démantèlement dans des délais aussi brefs que possible. L’ASN constate que certains pays occidentaux reconnaissent le démantèlement différé comme stratégie de référence. L’ASN constate, plus récemment, que la position de l’AIEA de ne pas accepter le «confinement sûr» est remise en cause par certains pays, essentiellement pour des raisons financières. L’ASN promeut à l’international, dans ses relations bilatérales et dans les groupes de travail internationaux et européens, l’approche française d’un démantèlement, jusqu’à l’assainissement complet, dans des délais aussi brefs que possible, dont la charge du financement ne doit pas reposer sur les générations futures. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2018 337 13 – LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE 13
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=