Rapport de l'ASN 2018

2.6.2  –  L’évaluation du fonctionnement des organisations et de la maîtrise des activités En 2018, l’ASN a pu constater dans certains cas des environne‑ ments de travail qui n’étaient pas adaptés. Sur le plan de l’orga‑ nisation, cela se manifeste parfois par des inadéquations entre la charge de travail et les effectifs disponibles, une pression temporelle excessive ou encore des co‑activités dans des condi‑ tions pas toujours bien maîtrisées. Sur le plan de l’ergonomie, l’ASN relève régulièrement une exiguïté de certains locaux, une mauvaise ventilation, un éclairage dégradé, des échafaudages non conformes ou des identifications des équipements peu lisibles. Sur le plan matériel, cela se concrétise par des docu‑ ments opératoires, des outils ou des pièces de rechange man‑ quants ou inadaptés. Ces problèmes récurrents sont en partie imputables à des causes organisationnelles plus profondes, par exemple des relations dégradées entre le site et le prestataire responsable de la logistique, des retards dans la préparation des interventions, des difficultés dans l’obtention des régimes de travail ou une coordination inefficace entre les métiers. L’ASN constate en 2018 que la grande majorité des centrales nucléaires déploie des efforts réels pour renforcer l’applica‑ tion par les intervenants des pratiques de fiabilisation ( « pre‑job briefing » , minute d’arrêt, auto‑contrôle, contrôles croisés, com‑ munication sécurisée, débriefing), mais que les résultats se révèlent contrastés selon les sites. Le débriefing dit « à chaud », qui se déroule juste après la fin de l’intervention, reste le point faible sur la plupart des sites, préjudiciable à la constitution d’un retour d’expérience dont pourraient bénéficier les activi‑ tés futures. L’ASN considère par ailleurs que dans un certain nombre de rapports d’événements significatifs, les constats d’insuffisance dans l’application de ces pratiques sont surva‑ lorisés par les analystes, au risque de constituer une grille de lecture trop réductrice qui se limite à la seule responsabilité des personnes impliquées et masque des causes humaines ou organisationnelles plus profondes (pression temporelle, envi‑ ronnement de travail inadapté…). Pour l’ensemble des centrales, EDF doit améliorer sa maîtrise de la documentation opérationnelle. De nombreux événements significatifs déclarés en 2018 ont pour cause une documentation opérationnelle difficile à utiliser (faible lisibilité, manque de cohérence entre les différents documents, absence de schéma ou de photo…) ou inadaptée (documentation incomplète ou obsolète, gammes ne tenant pas compte des états du réacteur…). Face à ces constats, l’ASN a décidé de renforcer son contrôle des organisations d’EDF et a défini la gestion de la documentation comme thème d’inspection prioritaire en 2019. • La gestion des compétences, de la formation et des habilitations L’organisation mise en place sur les sites pour gérer les compé­ tences, les habilitations et la formation reste globalement satis‑ faisante. Sur une majorité de sites, les dispositions prises en matière de gestion des compétences sont satisfaisantes dans la mesure où la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compé‑ tences est maîtrisée dans la durée (quatre à cinq ans de visibi‑ lité) et les arrivées et départs des différents services font l’objet d’anticipations. L’acquisition et le maintien des compétences sont assurés par un dispositif de formation (chantiers‑école, processus de formation et de recyclage, tutorat et compagnon‑ nage avec mise en situation) adapté et bien suivi. L’ASN a toutefois constaté en 2018, sur quelques sites, la difficulté de certains services à identifier formellement les compétences rares et sensibles et maintenir au cours de l’année l’adéquation entre les missions et les moyens et les ressources. De plus, les inspecteurs de l’ASN ont parfois relevé que les com‑ pétences techniques de certains agents étaient insuffisantes (défaut de connaissances sur un matériel conduisant à son indisponibilité, connaissances non à jour pour des équipements ayant fait l’objet de modifications, chargés de surveillance ne disposant pas d’une maîtrise technique suffisante des théma‑ tiques surveillées…). L’ASN relève que les fragilités identifiées sur ces sites, dont certaines ont contribué à des événements significatifs, s’expliquent par des formations ou des compa‑ gnonnages parfois insuffisants (notamment sur les nouveaux matériels et logiciels utilisés installés et sur l’évolution de la réglementation) ou un suivi non rigoureux des habilitations ou des qualifications exigées pour les prestataires. • La surveillance des activités sous‑traitées L’ASN constate en 2018 que les modalités d’exercice de la sur‑ veillance des activités sous‑traitées laissent toujours apparaître des difficultés sur un certain nombre de sites. Ces difficultés persistent malgré un engagement affiché des directions de site (actions de sensibilisation, séminaires, présences managériales sur le terrain, déploiement d’un nouvel outil facilitant la prépa‑ ration des programmes de surveillance...). Les origines de ces défaillances sont imputables à des difficultés pour garantir la pérennité des ressources affectées à la surveillance des pres‑ tataires et à des chargés de surveillance qui ne disposent pas toujours des compétences techniques nécessaires au regard du champ de leur surveillance. L’ASN encourage EDF à poursuivre ses actions en faveur de la présence sur le terrain de ses agents et à développer leur capacité à détecter des anomalies. L’ASN relève néanmoins que des progrès ont pu être observés en 2018 au niveau de la préparation des programmes de surveillance. Inspections renforcées en radioprotection Depuis 2011, l’ASN mène des inspections renforcées sur le sujet de la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants. Les centrales nucléaires du Bugey , de Cruas-Meysse , de Saint‑Alban/Saint-Maurice et du Tricastin , situées dans la vallée du Rhône, ont ainsi fait l’objet d’une campagne d’inspections renforcées en septembre et octobre 2018. Des mises en situation ont permis de contrôler l’organisation relative à la prise en charge des intervenants contaminés et au traitement des alarmes relatives à la détection de contamination atmosphérique au sein du bâtiment réacteur. Par ailleurs, un contrôle inopiné de nuit des dispositions mises en œuvre pour assurer la radioprotection des travailleurs au cours d’un arrêt de réacteur a été effectué. Les inspecteurs ont constaté la prise en compte par les équipes des sites de certains points relevés les années précédentes par l’ASN, et la mise en œuvre de bonnes pratiques. Cependant, ils ont noté que, sur certaines centrales nucléaires, la synergie entre le service en charge de la prévention des risques radiologiques et les services opérationnels doit être renforcée afin de permettre au conseiller en radioprotection d’assurer les missions qui lui sont confiées par le code du travail. Ce point fera l’objet d’une attention particulière de la part de l’ASN dans le cadre de l’instruction à venir des demandes d’approbation des pôles de compétence en radioprotection requises par l ’ article R. 4451‑125 du code du travail . Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2018  301 10 – LES CENTRALES NUCLÉAIRES D’EDF 10

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