Rapport de l'ASN 2017

47 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2017 Chapitre 01  - Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 150 e anniversaire de la naissance de Marie Curie. Par la suite, plusieurs types de cancer ont été observés en milieu professionnel, dont certains types de leucémie, des cancers bron- chopulmonaires (par inhalation de radon) et des ostéosarcomes de la mâchoire. Hors du domaine professionnel, le suivi pendant plus de soixante ans d’une cohorte d’environ 85000 personnes irradiées à Hiroshima et Nagasaki a permis de faire régulière- ment le point sur la morbidité 1 et la mortalité par cancer après exposition aux rayonnements ionisants, et de décrire les rela- tions dose-effets, souvent à la base de la réglementation actuelle. D’autres travaux épidémiologiques ont permis de mettre en évidence, chez les patients traités par radiothérapie, une aug- mentation statistiquement significative des cancers (effets secon- daires) imputables aux rayonnements ionisants. Citons également l’accident de Tchernobyl qui, du fait de l’iode radioactif rejeté, a provoqué dans les régions proches du lieu de l’accident un excès de cancers de la thyroïde chez des sujets jeunes exposés pendant leur enfance. Les conséquences sanitaires de l’acci- dent de Fukushima pour les populations avoisinantes ne sont pas encore suffisamment connues et analysées pour en tirer les enseignements au plan épidémiologique. Le risque de cancer radio-induit apparaît pour différents niveaux d’exposition et n’est pas lié à un dépassement de seuil. Il se manifeste par un accroissement de la probabilité de cancer pour une population d’âge et de sexe donnés. On parle alors d’effets probabilistes, stochastiques ou aléatoires. Établis au plan international, les objectifs de santé publique de la radioprotection visent à éviter l’apparition des effets déter- ministes et à réduire la probabilité d’apparition de cancers liés à une exposition aux rayonnements ionisants, aussi appe- lés cancers radio-induits ; l’ensemble des résultats des études semble indiquer que les cancers radio-induits constituent le risque sanitaire prépondérant lié à l’exposition aux rayonne- ments ionisants. 1 . Nombre de personnes souffrant d’une maladie donnée pendant un temps donné, en général une année, rapporté par unité de population. 1.2 L’évaluation des risques liés aux rayonnements ionisants La surveillance des cancers en France est fondée sur 14 registres généraux situés en métropole (couvrant 18 départements et l’agglomération lilloise) et trois dans les départements d’outre- mer. Il faut y ajouter 12 registres spécialisés : neuf registres départementaux couvrant 16 départements métropolitains, deux registres nationaux des cancers de l’enfant de moins de quinze ans concernant les hémopathies malignes et les tumeurs solides et un registre multicentrique du mésothéliome pour la France entière. Dans une zone couverte par un registre, l’objectif est de mettre en évidence des différences de répartition spatiale, de dégager des évolutions temporelles en termes d’augmentation ou de diminution d’incidence des différentes localisations cancéreuses, ou encore de repérer un agrégat de cas. À vocation descriptive, ce mode de surveillance ne permet pas toutefois de mettre en évidence un lien de cause à effet entre une exposition aux rayonnements ionisants et des cancers, étant entendu que d’autres facteurs environnementaux peuvent être suspectés. D’autre part, il est à noter que les registres départe- mentaux ne couvrent pas nécessairement les régions proches des installations nucléaires. L’investigation épidémiologique est une tâche complémentaire de la surveillance. Les études épidémiologiques ont vocation à mettre en évidence une association entre un facteur de risque et la survenue d’une maladie, entre une cause possible et un effet, ou tout au moins à permettre d’affirmer que l’existence d’une telle relation causale présente une très forte probabilité. La difficulté intrinsèque à mener ces études est à rappeler, de même que la difficulté à conclure de façon convaincante lorsque le délai d’apparition de la maladie est long ou encore lorsque le nombre de cas attendus est faible, ce qui est notamment le cas pour des expositions faibles de quelques dizaines de millisieverts (mSv). Les cohortes comme celle de Hiroshima et Nagasaki ont clairement mis en évidence un excès de cancers, alors que l’exposition moyenne est de l’ordre de 200 mSv; des études sur des travailleurs du nucléaire, publiées durant ces dernières années, suggèrent des risques de cancer à des doses plus faibles (doses cumulées sur plusieurs années). Ces résultats soutiennent la justification d’une protection radio- logique des populations exposées aux faibles doses de rayonne- ments ionisants (travailleurs de l’industrie nucléaire, personnels médicaux, exposition médicale à finalité diagnostique…). Dans une optique de gestion du risque aux faibles doses, l’éva- luation des risques est faite en extrapolant les risques obser- vés aux plus fortes doses. Ce calcul donne une estimation des risques encourus lors d’une exposition aux faibles doses de rayonnements ionisants. Pour ces estimations, l’hypothèse prudente d’une relation linéaire sans seuil entre l’exposition et le nombre de décès par cancer a été adoptée à l’échelle internationale. Cette hypothèse implique qu’il n’existe pas de seuil de dose en dessous duquel on pourrait affirmer qu’il n’y a pas d’effet. La légitimité de ces estimations et de cette hypothèse reste cependant controversée au plan scientifique, des études à très grande échelle étant nécessaires pour étof- fer cette hypothèse.

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